Se remonter les manches

Tout arrive lundi on déconfine enfin ça fait quelques jours que tout Marseille se déconfine, on ne peut plus traverser la Corniche les yeux fermés dans les bus seules les femmes mettent des masques c’est hallucinant pourtant on en a fait des masques normés afnor avec les copines militantes oui là aussi pas de copains que des copines évidemment les petites mains c’est du féminin pluriel, des masques pour les femmes les hommes les enfants des quartiers, hier les marins-pompiers sous notre petite manufacture la grande échelle à l’étage juste en face l’un monte et redescend un autre monte en mode plongée avec des bouteilles casse la vitre et wouff l’air devient nauséabond tu lis trop de polars Louise tu penses cadavre sans réfléchir t’as senti me souffle la copine nom de zeus c’est bien ça les flics arrivent et le soir le copain médecin qui nous dira ça ne fait que commencer la solitude tue, tous ces gens seuls sans qu’un voisin toque pour savoir si tout va si besoin de rien, je rentre sombre pleine de chagrin dans le bus où un homme sans masque clame qu’il s’ennuie tant qu’il fait le trajet entre Bougainville et le Michel-Ange toute la journée depuis des jours et des jours et d’ailleurs il n’a pas dû se laver depuis des jours et des jours c’est la journée de l’apnée je rentre sombre et pleine de chagrin en me disant y’a du boulot pour en finir avec la souffrance sociale les damnés de la terre les émeutes de la faim à venir et pour les jours heureux que l’autre plagie va falloir se remonter les manches.

Louise Édouard 8 mai 2020