Le film du mois de Décembre : "ADN"
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Ce mois-ci, il parait que les cinémas ouvrent à nouveau le mercredi 15 décembre, alors c’est le moment de les soutenir et d’aller voir ce film, sorti la veille du dernier confinement et pour lequel vous ne regretterez pas votre retour dans les salles obscures.
ADN
Réalisatrice : Maïwenn - Genre : Drame - Sortie : 28 octobre 2020 - Durée : 90 minutes.
Synopsis : Neige, divorcée et mère de trois enfants, rend régulièrement visite à Émir, son grand-père algérien qui vit désormais en maison de retraite. Elle adore et admire ce pilier de la famille, qui l’a élevée et surtout protégée de la toxicité de ses parents. Les rapports entre les nombreux membres de la famille sont compliqués et les rancœurs nombreuses... Heureusement Neige peut compter sur le soutien et l’humour de François, son ex. La mort du grand-père va déclencher une tempête familiale et une profonde crise identitaire chez Neige. Dès lors elle va vouloir comprendre et connaître son ADN.
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ADN… voilà un acronyme qu’on emploie désormais à toutes les sauces, en oubliant souvent sa véritable définition. Maïwenn, elle, se garde d’une erreur aussi grossière et embrasse le mot, comme tous les maux, dans leur acception première. Elle avance sans fard, avec une lucidité aussi brutale que lumineuse, sur le fil ténu d’un récit que jamais elle ne lâche. Elle confirme par là-même qu’elle est une grande cinéaste qui fait de sa vie un champ d’étude pour lui donner une dimension universelle. Elle ose pénétrer profondément dans ses propres failles, dans leurs recoins peu glorieux, telle une effrontée impudique. Mais ce film est aussi le fruit de sa collaboration complice avec Mathieu Demy. Plus connu comme acteur que comme auteur, son écriture apporte une touche enjouée, un humour terre-à-terre salutaire, ainsi que la distance élégante indispensable pour parler des choses de l’intime qui blessent. Ensemble ils réussissent une œuvre profondément drôle, ou drôlement profonde, selon de quel côté de la Méditerranée l’on se place.
Premières scènes… Tous se pressent autour de l’ancêtre dans une chambre d’Ehpad qu’ils se sont attachés, sans grand succès, à rendre un peu moins impersonnelle. À 93 ans, le bel homme qu’il a été, son courage et son esprit aiguisé ne seront bientôt plus qu’un souvenir. Seuls son sourire bienveillant, son regard pétillant, intacts, témoignent de ses années de lutte, de son passé d’ancien résistant algérien. Mais la vie s’amenuise… Il partira sans crier gare… Cela a beau être dans la logique des choses, est-on jamais prêt pour l’absence ? C’est un repère, un père, un grand-père, un oncle… que tous perdent, le nombril qui permettait à leur monde de tourner rond. En quelques séquences bien brossées et parfois hilarantes, on comprendra la place que chacun occupe dans cette famille aimante et dysfonctionnelle. On percevra les imbrications entre les relations toxiques et celles qui mettent du baume sur les plaies béantes. En observant toute la logistique qui se met en branle autour du corps du défunt, on se coltine le dérisoire de la vie. Il faut vite libérer la chambre pour le suivant, décider quoi faire des affaires, penser aux cendres… mais avant ça choisir un cercueil ! Ah, la scène du cercueil ! Infiniment juste, drôle, touchante… Elle nous en dira plus long sur les vivants que sur le mort…
Pour bien parler de ce film de tribu, il faudrait plus d’une page de gazette. Chaque personnage, crûment brossé, sans concession, y joue une ligne de partition indispensable. Tous les acteurs, en commençant par Fanny Ardant, Louis Garrel… sont excellents. Magnifiquement mis en valeur séparément, ils jouent ensemble un accord parfait. Si Maïwenn, magistrale dans le rôle de Neige, est de bien des plans, elle n’est pas son sujet principal, elle n’est que le vecteur d’une réflexion profonde sur ce qui nous lie à nos racines, sur nos filiations. Elle nous parle des empreintes que la génétique nous laisse, de celles qu’on transmettra. De ce qui nous attache aux êtres, des traces qu’on choisit de garder, de celles qu’on choisit d’abandonner et des indélébiles, celles qu’on n’arrive pas à effacer. Ce qui paraissait une fin de chapitre n’est que le début d’une quête intense, troublante, truffée de contrepoints comiques qui agissent comme de véritables respirations.
Et peut-être qu’au bout de compte, l’essentiel n’est pas le pourcentage de tel ou tel ADN qui se glisse dans nos veines, mais bien ce qu’on en fait, comment on le rêve. Sans doute nos racines les plus légitimes sont celles que l’on conquiert, celles pour lesquelles ont s’est battu. Comme le sont pour les migrants les terres promises pour lesquelles ils ont tout abandonné, risqué leur vie. Se profile dès lors en filigrane une magnifique fable contre l’intolérance, le racisme…