Le Film du Mois de Juin 2019 : 68, Mon Père et les Clous
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Ce mois-ci, il s’agit de 68, Mon Père et les Clous, le premier long métrage de Samuel Bigaoui sorti le 1er mai 2019.
Genre : Documentaire français – Durée : 84 minutes - Réalisateur : Samuel Bigaoui
Synopsis : Ouverte il y a 30 ans, en plein Quartier latin, la quincaillerie de mon père est un haut lieu de sociabilité. C’est aussi l’ancien terrain de jeu de mon enfance. Bricomonge va fermer. À l’heure de l’inventaire et des comptes, j’accompagne mon père dans les derniers moments du magasin. Et je cherche à comprendre ce qui a amené le militant maoïste qu’il était dans les années 1960-1970, intellectuel diplômé, à vendre des clous.
Tentative de critique : C’est une petite quincaillerie qui ne paie pas de mine, en plein cœur du Quartier latin, rue Monge. On y trouve tout ce qui est nécessaire pour bricoler au quotidien. Cette boutique est d’abord un havre d’humanité : on vient s’y ressourcer, y papoter pour se changer les idées, faire le plein de chaleur humaine avec un patron qui lui non plus ne paie pas de mine, mais est une source inépuisable d’étonnement. Qu’est-ce qui a pu pousser, il y a 30 ans, ce sympathique Jean à choisir de vendre des clous et qui s’apprête aujourd’hui à fermer boutique ? Militant de la gauche prolétarienne, engagé jusqu’au trognon, intellectuel diplômé de partout… il aurait pu prétendre à un rôle de premier de cordée, comme dirait l’autre. Depuis, il n’a cessé de faire de ce lieu ordinaire un point de ralliement pour une humanité de proximité aussi diverse et riche que banale, aussi anonyme qu’attachante : un boucher trotskiste, un tireur d’élite russe qui a fui son pays, une immigrée croate, une bourgeoise… De tous les milieux, de tous les pays, de tous les âges. C’est son fils qui le filme, le poursuit de questions dans les recoins de son magasin, capte les échanges sans en modifier le cours…
Ici on parle cinéma, politique, bricolage, société. On y partage un café, les pâtisseries de fin de Ramadan. On y philosophe tout en brassant les petites contrariétés de base. Les meilleurs copains de Jean sont des vieux militants, intellectuels de haut vol ayant fait le choix d’une vie modeste, curieux de tout, toujours bienveillants, jamais amers. La poignée de salariés qui travaillent dans la boutique essuient une larme et racontent l’attachement au lieu, leur amitié pour Jean, le rôle qu’il a joué dans leur vie…
Zora rigole : vous seriez un bon psychanalyste, revendique d’avoir le monopole du balai et son fils ironise sur son mauvais sens des affaires, le fric perdu. Les clients se désolent de voir disparaître cette caverne d’Ali Baba qui leur fournissait des clous et tant d’autres choses, escamotent leur émotion dans une pirouette.
Samuel, le réalisateur et fils de Jean, filme avec sa tête, son cœur et beaucoup de talent, le montage est vif et signifiant. Il y a de la tendresse et de la fierté quand la caméra regarde son père partir vers sa nouvelle vie, ne reniant rien de l’ancienne, une vie qui ne devait rien au hasard mais à des choix, faite de sens et nourrie de belles rencontres. Superbe !
Bande Annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19583203&cfilm=264920.html
Un peu plus sur le réalisateur : Samuel Bigaoui est réalisateur, architecte et enseignant en mathématiques. Après des études de mathématiques à Paris 6, il passe le CAPES et l’Agrégation et enseigne à Nîmes puis à Paris. Cependant, ses préoccupations et réflexions sur l’espace comme prescripteur de sens le poussent vers l’architecture. En 2010, il est admis à l’ENSA Paris-Malaquais d’où il sort diplômé Architecte HMONP, son projet de fin d’étude portant sur l’interaction entre pédagogie et architecture. Très jeune passionné de cinéma et de théâtre, il suit une formation d’acteur à l’Atelier Blanche Salant (promotion 2011). Il est aussi l’un des protagonistes du film Reprendre l’été (2016). Entre son métier d’architecte et l’enseignement, il écrit et réalise son premier film documentaire 68, mon père et les clous.