BlackRock et la réforme des retraites en France
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Cet article est un résumé d’un article de Maxime Combes et Rachel Knaebel publié notamment dans « Basta » le 13/1/2020.
BlackRock est un gestionnaire d’actifs, le plus gros du monde, avec près de 7000 milliards de dollars gérés. Cet argent lui est confié par ses clients, en général des « investisseurs institutionnels », des entités, privées ou publiques, disposant de grandes masses d’argent, dont des fonds de pension et des gestionnaires d’épargne-retraites.
Ces investisseurs confient à BlackRock la tâche de placer et gérer leurs actifs sur les marchés, en les investissant par exemple dans des sociétés cotées ou des produits financiers. Environ deux-tiers des actifs dont Blackrock a la responsabilité sont liés à des plans d’épargne-retraite.
Avant la crise financière de 2008, ce sont alors les fonds spéculatifs (hedges funds) qui sont courtisés par les gros détenteurs de capitaux. Puis, après la crise, BlackRock se développe très rapidement notamment en se positionnant sur un type de fonds de placements jugés moins risqués que les fonds spéculatifs, qui remportent donc un grands succès après 2008.
BlackRock est représenté dans plus de 17 000 conseils d’administration d’entreprises à travers le monde. Les États-Unis représentent 61 % du total de ses investissements, l’Europe 31 % et l’Asie 8 %.
La succursale française est relativement récente. BlackRock gère aujourd’hui 27,4 milliards d’euros pour le compte de clients français, qui sont des compagnies d’assurance, des caisses de retraite, des institutions, entreprises ou banques.
Le gestionnaire de fonds dispose de participations conséquentes dans au moins 18 multinationales françaises du CAC 40 : BNP Paribas, Axa, Renault, Bouygues, Total, Vivendi, Société générale…
BlackRock figure donc mécaniquement parmi les principaux bénéficiaires des très importants dividendes versés par les entreprises du CAC 40 chaque année. Le gestionnaire d’actifs a touché au bas mot 1,65 milliard d’euros de dividendes au titre de l’année 2018. Le fonds de gestion profite donc largement du cash que les multinationales françaises distribuent au détriment de l’investissement, des salaires et des cotisations sociales, dont la retraite.
Pourquoi BlackRock s’intéresse à la réforme française des retraites ?
BlackRock a publié, en juin 2019, un plaidoyer qui appelle très clairement le gouvernement français à développer le « troisième pilier » des régimes retraite : la capitalisation, c’est à dire confier à des sociétés financières privées la gestion d’une partie de l’assurance-retraite. La loi Pacte, portée par le ministre Bruno Lemaire et adoptée au printemps dernier, a de quoi réjouir le gestionnaire d’actifs. Elle crée de nouveaux plans d’épargne retraite individuels et collectifs qui offrent une grande flexibilité de gestion.
Pour encourager cette épargne, la société préconise des crédits d’impôt conséquents. C’est la double peine pour les finances publiques : les montants alimentant les régimes de retraite par répartition se réduisent, ce qui les déséquilibre financièrement ; les ressources fiscales s’amenuisent, du fait des crédits d’impôts, ce qui fragilise encore davantage les finances publiques. Cela revient, en plus, à remplacer un système de protection sociale géré par les partenaires sociaux par un dispositif dépendant des aléas des marchés financiers.
Une stratégie développée à l’échelle européenne :
À Bruxelles, le lobbying de BlackRock a déjà porté ses fruits. En juin 2019, Bruxelles valide la création d’un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (Pan-European Personal Pension product – PEPP). Aujourd’hui, seuls 27 % des Européens entre 25 et 59 ans investissent à titre personnel dans un produit d’épargne-retraite. Ce produit, qui sera proposé aux citoyens européens par les fonds de pension existants ou les compagnies d’assurance, vise à les inciter à y placer leurs économies. Plus les régimes de retraite publics seront affaiblis, garantissant une pension de plus en plus basse, plus ils seront réceptifs à ce type de placements.