Cauchemar
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Jour 18 : 3 Avril 2020 Texte 7
Cauchemar
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais moi, depuis le début du confinement, je dors scandaleusement bien...
Mieux qu’à l’ordinaire.
C’est un réflexe tout à fait involontaire, probablement animal : il s’agit de survivre, se dit une partie du cerveau (ce doit être ça le reptilien, même si le terme n’est guère flatteur...) et dans les meilleures conditions possibles.
Seulement voilà, il m’arrive aussi de rêver, et pas seulement d’espaces sauvages qui n’attendent que moi, mais aussi, de drôles de rêves, qui s’apparentent parfois à des cauchemars : jugez-en.
Je me trouvais dans un pays où, en vertu de circonstances exceptionnelles, un état d’urgence d’un genre nouveau avait été déclaré, dont on nous assurait qu’il n’avait rien à voir avec un autre, datant d’une guerre coloniale (perdue, bien entendu), mais qui ressemblait beaucoup à des dispositions, pérennisées par la suite, prises quelques années plus tôt en réponse à des attentats terroristes.
Ce nouvel état d’urgence donnait tout pouvoir aux représentants de l’État au niveau local : tout bien ou service était devenu réquisitionnable ; droit de grève, droit de retrait avaient disparu, la RTT et les 35 heures étaient de vieux souvenirs.
Les amendes pour aller et venir indûment pouvaient aller jusqu’à trois mois de salaire minimum, ce qui représentait tout de même 8 mois de revenu de base, mais à y bien regarder, seulement 19 jours de revenu de député et 13 jours pour un cadre dirigeant : une somme bien modique, somme toute.
Comme l’État n’avait pas jugé bon de recruter du personnel soignant, et même de compenser les départs à la retraite, de plus en plus tardifs, certes, les plus de 70 ans étaient priés de bien vouloir être malades, voire mourir, seuls, là où ils se trouvaient, sans faire d’histoires.
Les enfants ne fréquentaient plus l’école, et se voyaient cantonnés dans les conditions où le hasard les avait fait naître.
Comme l’État n’avait pas non plus recruté de policiers, pour assurer le contrôle prévu par les nouvelles dispositions, des drones survolaient nuit et jour villes et campagne pour traquer les mauvais citoyens, contraints de sortir munis de géo-localisateurs qu’il était question , pour plus d’efficacité, d’insérer au moyen d’une puce, sous la peau, dans le bras gauche (le droit en l’absence de bras gauche).
Naturellement, les échanges sur les réseaux sociaux étaient étroitement surveillés, et les propos défaitistes ou subversifs, réprimés.
Il n’était pas non plus question de se croire autorisé à parler, sur son balcon, à son voisin, car les mouchards s’étaient répandus aussi vite qu’un virus.
Tout d’un coup, j’entendis une voix chanter un air d’opéra, près de mon oreille : c’était mon réveille-matin, branché sur France-Musique (je vous déconseille, au réveil, toute radio délivrant des informations en continu), et je m’éveillais.
J’avais fait un affreux cauchemar, bien loin des réalités de notre société , qui malgré l’épreuve qu’elle venait de traverser, avait su rester solidaire et démocratique.
Christine Findal.