Encore Heureux qu’on va vers l’Été
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Encore Heureux qu’on va vers l’été
Pourqui ne pas choisir ce beau titre d’un roman de Christiane Rochefort que notre Président ne vous conseillera pas de lire mais que vous pouvez de vous-mêmes lire ou relire, pour vous annoncer que ce n’est pas la mort dans l’âme mais la vie entre les dents qu’Attac Marseille a décidé de suspendre ses activités publiques pour un temps, le temps qu’il faudra, un temps qui n’aura que le temps d’une parenthèse, parce qu’il y aura un avant et un après, et qu’en attendant il nous vivre maintenant le pendant.
Avant : souvenez-vous de l’avant, c’était le dimanche 15 mars. Ce ciel si bleu, et cet air si doux. Les platanes du boulevard Longchamp couverts de bourgeons, les cerisiers du parc déjà chargés de fleurs blanches ou roses, les magnolias hissant haut leurs tulipes. Un dimanche, lendemain de rires et d’insouciance aux terrasses bondées parce qu’il fallait « en profiter ». Un premier dimanche de presque printemps, qu’on n’allait pas laisser filer. Un dimanche de bord de mer, parce que, le dimanche, c’est Corniche et Borély et qu’on ne va pas changer. Un dimanche d’élections, donc quand même un peu particulier. C’était le premier jour de l’après, le dernier jour de l’avant. C’était les deux en même temps.
Aux cinq avenues, il y a la queue à la boulangerie, des poussettes et des trottinettes, les gens patientent devant la caisse, collés-serrés. « Je pourrai vous faire des plats préparés la semaine prochaine », annonce le boucher des Chartreux. Le primeur se frotte les mains, les clients étaient déjà là avant l’ouverture du magasin. La poissonnière prévient que ses loups du Frioul seront peut-être les derniers avant longtemps. Les deux bazars du boulevard de la Libération sont restés ouverts. Place des Capucins à Noailles, Idir est malheureux tout comme ses amis chibanis de toujours. Son bistrot familier, le café Prinder a baissé son rideau. « Depuis des années, je fais mon tour au marché, je vais chez les uns ou les autres, selon les jours. Pour mon petit déjeuner, un café et un croissant. Comment je vais faire ? Je n’ai pas de cafetière. »
Pendant : pendant c’est maintenant depuis mardi 17 mars à 12h00, fini les avalanches de mails, le mirage de la communication instantanée des facebook et autres twitters, les tonnes de réunions, les actions et les rassemblements. Du temps pour nous, pour prendre du recul, du temps pour reprendre le temps mais aussi pour inventer de nouvelles formes de solidarité : interpeller ses voisins de balcon pour initier une éducation populaire inédite, faire des commissions pour la mami ou le papi du dernier étage qu’on n’a jamais fait que croiser, donner son sang parce que pendant l’épidémie la lutte continue, découvrir ses enfants ou ses petits-enfants, rêver, s’aimer, penser à ce qu’on mangera ou boira quand demain viendra, réfléchir sur nos pratiques militantes. On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste !
Et puis prendre exemple sur nos voisins espagnols avec ces idées ingénieuses qui se multiplient avec le hashtag #YoMeQuedoEnCasa (« Moi, je reste à la maison »).
Voir la vidéo d’un homme qui donne un cours de gym depuis le toit d’un lotissement à Séville – que tous les voisins suivent depuis leurs balcons respectifs :
https://twitter.com/Rous4000/status/1238835976690176006
Ou cette autre belle initiative, samedi 14 mars à 22 heures, des centaines de milliers d’Espagnols ont ouvert leurs fenêtres pour rendre hommage aux personnels de santé. De Madrid à Grenade, de Las Palmas à Bilbao, ils ont en chœur sifflé, applaudi et tapé sur des casseroles pour les remercier.
https://www.youtube.com/watch?v=Y3KBHu_yQ4g
Ou encore des gens en train de jouer au loto, criant les numéros par balcons interposés.
https://twitter.com/FranciscodPaula/status/1238959160408014858
Après : après c’est presque demain et tout sera à inventer ou à réinventer. En attendant serrons-nous les coudes et mouchons-nous entre deux orteils. Le temps venu, Attac Marseille saura tordre le cou à la désespérance et à la résignation. La vraie vie vaincra et Attac Marseille en prend date : Encore heureux qu’on va vers l’été !
En attendant de nous revoir bientôt pour trinquer à la santé du vieux monde, ces quelques vers d’Aragon lancés vers Vous en pâture :
Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche