Il y a du Monde au balcon !
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Il y a du monde au balcon !
Des applaudissements pour briser le silence de la quarantaine, des applaudissements venus d’Espagne et d’Italie qui les ont initié avant nous. Depuis une semaine, c’est devenu un rituel, les Marseillais comme tous les peuples de la planète se donnent rendez-vous à 20h00 pour acclamer et rendre hommage symboliquement aux personnels qui œuvrent jour et nuit pour la santé publique, ces mêmes personnels que le néolibéralisme a sacrifié année après année sur l’autel du profit.
D’abord timides et isolés, ils se sont renforcés de jour en jour, ont diversifié leur mode d’expression en y ajoutant des casseroles, des cloches, des jeux de lumière, de la musique et tout ce qui peut évoquer la vie d’en bas, celle de nos rues aujourd’hui confisquées. Hier soir, une fusée de détresse rouge a illuminé le ciel de la rue en laissant derrière elle un panache blanc où l’on pouvait lire « Basta Ya », ça suffit.
Des petits malins commencent cinq minutes avant alors que d’autres continuent cinq minutes après, et de jour en jour, les fenêtres et les balcons se peuplent davantage. Des bouches qu’on croyait muettes et des volets à jamais clos s’ouvrent, et c’est une expression collective qui prend ainsi corps et âme chaque soir faisant monter une rumeur de quartier en quartier.
Déjà, les récupérateurs de tous poils prennent le train en marche en faisant scintiller deux fois plus longtemps la Tour Eiffel à Paris alors que dans le même temps les sénateurs, pour ne citer qu’eux, sans doute éveillés en sursaut, s’y sont collés mercredi dernier avant que de se rendormir, engoncés dans leurs certitudes. S’ils pouvaient monnayer cette créativité, nul doute qu’ils le feraient comme ils l’ont fait pour le reste et comme ils le font chaque fois qu’ils le peuvent.
Il y a du monde au balcon, à la fois hommage et exutoire collectif, invitation à se relâcher, à se faire entendre, à évacuer la tension et la pression liées au confinement. Ce rendez-vous désormais quotidien et attendu, c’est aussi montrer à ceux qui nous gouvernent que l’on fait face à cette situation, qu’il faudra continuer après, ne pas perdre ce qu’on aura acquis à cette occasion, ne rien lâcher pour qu’ils lâchent enfin tout ce qu’ils nous ont pris : le travail et le droit du travail qui va avec, mais aussi la liberté, la retraite, le droit au logement et celui à la santé, et puis tout le reste qui reste à inventer.
Alors ne ratez pas votre rendez-vous ce soir et chaque soir à 20h00 en sortant plus nombreux et plus forts encore sur nos balcons, nos terrasses, nos fenêtres, nos jardins. Que nos applaudissements s’adressent aussi à tous les services publics et à celles et ceux (caissières, éboueurs, postiers, etc) sans qui plus rien ne fonctionnerait.
Un ami breton qui vit dans un hameau isolé des Côtes d’Armor me fait savoir qu’il a activé hier à 20h00 sa corne de brume : le troupeau de vaches de la ferme d’à côté a aussitôt répondu présent en meuglant solidairement de concert à la face du monde : « un autre monde est possible ».
Hervé Thomas.