La Fiche Cuisine confinée du Samedi 11 Avril 2020 : Éloge du Navet
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Éloge du Navet
Le navet (Brassica rapa) appartient à la grande famille des raves. On le consomme cru ou cuit. Sa saveur douce et amère accompagne les plats en sauce, les potées et donne de l’esprit au poireau, à la carotte et au céleri, en remplaçant la pomme de terre, dans la soupe des familles. Une ancienne variété – le navet boule d’or – originaire de Berlin est même, selon Goethe, la plus fine car sa chair blanche, tendre et ferme offre une saveur sucrée. Le peintre Chardin dans La Ratisseuse de navets (1738) l’a fait entrer au musée. D’où vient alors la méfiance à l’égard de ce légume sans histoire ?
Charger la canonnière se disait au XVIIe siècle de celui qui se bourrait de navets mal cuits au risque de provoquer des orages nocturnes. C’est ce qui arriva à la pauvre Quelot, au point que son mari dut la « compisser pour abattre le vent punais ! » écrit Rabelais ! « Voilà, ajoute-t-il, comme petite pluie abat bien un grand vent. » Plus étrange encore est l’histoire d’un curé breton, rapportée par l’ethnologue Paul Sébillot (1843-1918), qui ne pouvait s’empêcher de péter pendant la messe. « Il faut vous boucher le derrière avec un navet », lui conseilla sa bonne. Ce qui fut fait.
Mais après la lecture des Évangiles, soumis à une pression excessive, le navet lancé au milieu des fidèles assomma deux paroissiens ! Au cinéma, un navet est un film raté. Le regretté Jean-Pierre Marielle disait : « Lorsqu’on tourne un navet, on pense à la viande que l’on pourra acheter avec le cachet. » Gourmet avisé, il savait que le navet s’imprègne du suc des viandes et leur communique en échange son arôme subtil et puissant. Il est au canard ce que sont les petits pois au pigeon. Le navet se consomme aussi en purée, caramélisé ou bien cru en saumure, en Alsace et en Franche-Comté.
Jean-Claude Ribaut.