La Peste à Marseille
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Texte 10, Jour 26 , 11 Avril 2020
La peste à Marseille
A l’heure où beaucoup relisent « la peste » , de Camus, grâce au virus couronné qui règne en ce moment, un regard en arrière s’impose vers la peste qui par le passé a ravagé Marseille.
Celle de 1720 est restée dans les mémoires, associée au nom du bateau qui l’introduisit : le Grand Saint Antoine.
Elle a donné lieu à l’édification d’un mur de pierre sèche, à travers la partie Ouest de notre actuel Vaucluse, afin de protéger les domaines Pontificaux, ce qui n’empêcha pas le fléau d’atteindre Avignon, alors qu’Apt en était délivrée ; le mur servit alors dans l’autre sens...
La peste ne s’éteindra dans la région qu’en fin d’année 1722.
( toute projection dans notre actualité serait bien sûr anachronique, et de plus terriblement pessimiste)
Mais la peste n’était pas une inconnue :
Elle avait sévi tout au long du VI ème siècle ; au XIV ème, où, apportée par des vaisseaux italiens, elle va ravager toute l’Europe et décimer un tiers de la population ( dont la Laure de Noves, chantée par Pétrarque...).
Elle réapparaît alors tous les 8 ou 10 ans, voyageant avec les marchands, les soldats, les navires venus du Moyen-Orient.
Marseille sera atteinte en 1630, 1649, 1720.
Elle reviendra à la fin du XIXème, endémique en Chine et dans le Nord de l’Inde, débarquée en Afrique du Sud et en Amérique par les bateaux à vapeur.
Les mesures de contrôle, les quarantaines, la désinfection, les sulfamides et les antibiotiques enrayent les épidémies, du moins en Europe.
Cependant, elle ne disparaît pas tout à fait : en 1920 , à Paris, elle se déclare chez des chiffonniers.
Pour en revenir aux siècles passés, aussi bien en 1649 qu’en 1720, l’épidémie se répand à la suite du non-respect , pour des motifs financiers, de la quarantaine imposée aux bateaux, et fait 8.000 victimes en 1649, et 40.000 en 1720 : la moitié de la population marseillaise de l’époque...
Ce n’est pas, cette fois-là, le capitaine du Grand Saint Antoine, lequel déclare les morts à bord, qui est en cause, mais les autorités qui, contrairement au règlement, n’envoient pas les marchandises ( textiles) pour 26 jours sous le soleil à l’île de Jarre.
La plus grande partie du chargement appartient à un échevin, Mr Estelle, dont une rue porte encore le nom.
Le très documenté dictionnaire historique des rues de Marseille dit qu’il se « dévoua à l’administration de la Ville malgré le fléau » ; s’agissait-il de le laver de tout soupçon ?
Le premier mort est une morte, une couturière.
Les consuls gardent le silence pour ne pas entraver le commerce, et la maladie se répand, frappant surtout les quartiers pauvres et populeux. Ce n’est que 67 jours après l’arrivée du navire pestiféré que les autorités l’annoncent. Elle se propagera dans la région, jusqu’à Apt et Avignon, causant près de 120.000 victimes.
2020, COVID -19 : A Marseille, « des problèmes informatiques empêchent la comptabilisation des décès, » ville où l’on sait cependant qu’ont lieu la moitié des décès du département. Il serait pourtant très instructif de savoir qui, en-dehors de la question de l’âge, elle touche le plus.
En Ile-de-France, la surmortalité la plus importante est enregistrée en Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de la région.
En cause, ce que l’on nous donne à entendre : non-respect du confinement,qui serait une nouvelle forme de délinquance, ou conditions d’habitat, de transport, de travail pour ceux qui n’ont pas d’autre choix ?
L’Histoire apprend beaucoup de choses, pour peu que l’on veuille la lire.
Marseille, 11 Avril 2020, veille de Pâques.
Christine Findal.
Sources :
- La muraille de la Peste, revue « les Alpes de Lumière »n°114, Septembre 1993.
- Le dictionnaire historique des rues de Marseille, Adrien Blès, Ed. J. Laffitte, 2001.