La révolte du cafoutch
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Jour 17, Texte 6 ( prosaïque)
La révolte du cafoutch
Depuis 17 jours que nous sommes assignés à résidence, exceptés les citoyens qui travaillent pour nous et à qui je tire mon chapeau, j’entends les femmes de ma connaissance ( ben non, pas les hommes, ce n’est pas du parti-pris) dire qu’elles rangent leurs placards avec la dernière énergie.
J’imagine des intérieurs impeccables, aux sols et aux vitres reluisants de propreté, aux étagères semblables à celles des magasins où règnent, en principe, l’ordre, la logique et la visibilité .
Et l’intérieur de leurs placards sur le même modèle , susceptible d’illustrer un article de revue consacrée à la maison.
De mon côté, depuis 17 jours, je lis des revues, des journaux, des livres qui m’attendaient ou que je fais venir ( merci la poste et les postiers !), j’écoute des émissions, des concerts, je lis mes messages : des wagons de messages, avec des pépites, rares en temps ordinaire, multiples en ce moment : moment extra-ordinaire.
Mais les placards, pendant ce temps, ressemblent plutôt à des capharnaüms.
Alors, ce matin, guettée par la culpabilité , j’ai attaqué un premier placard.
Je suis bien parvenue à jeter de l’inutile, en tâchant de me convaincre que c’était là un exercice zen, mais de là à en faire quelque chose de présentable, impossible : il résistait.
Au bout d’un moment de lutte vaine, j’ai enfin compris que je n’avais pas affaire à un vulgaire placard, mais à un cafoutch authentique ( recoin, réduit, appentis, cagibi...), forcément en désordre,susceptible de ne contenir que des ravans ( rebut, épave, vieillerie...) comme de cacher de vrais trésors, et qui échappe par principe au rangement, du moins en apparence.
Eclairée, j’ai su que je ne devais pas poursuivre cette entreprise corruptrice, absurde, contre-nature, car j’avais devant moi ni plus ni moins une révolte de cafoutch.
Alors, je l’ai laissé à son paisible sort, j’ai soigneusement refermé la porte, et je suis retournée à mes occupations, peu ménagères, mais tout à fait respectueuses de cafoutchs.
Christine Findal.