Le Temps
par
popularité : 8%
Texte 11, le temps, 14 Avril 2020, Jour 29
« Dans ma vie, j’ai manqué d’argent, mais plus encore de temps », disait mon père devenu vieux.
Voilà qu’en ce printemps si particulier pour nous les humains, il est soudainement donné à certains d’entre nous d’avoir du temps.
Ce billet s’adresse à :
– ceux qui ne sont plus qualifiés d’actifs, même si, tâchant de rattraper le temps perdu, ils se sont lancés dans l’apprentissage de l’accordéon, des danses de salon, du breton, ou du dogon ; même si, souhaitant être utiles, ils se sont mis sans contre-partie au service des autres ; même s’ils sont pour leurs petits-enfants, une aide et une oreille précieuses ;
– ceux qui, étant considérés comme actifs, c’est-à-dire productifs, ne sont pas tenus à cette nouvelle forme d’aliénation que constitue le télé-travail, et se retrouvent assignés à résidence, pour peu qu’ils n’aient pas d’enfants ou que ceux-ci aient quitté le nid : ceux-là se retrouvent dotés de ce dont ils manquaient le plus, avant : le temps.
N’est-ce pas une chance, une opportunité, ce temps suspendu pendant deux mois ?
Bien sûr, il ne s’agit pas d’ignorer la condition de tous ceux qui sont « au front », invisibles hier, aujourd’hui apparus pour ce qu’ils sont : indispensables.
Il faudra, au contraire, s’en souvenir, après.
Mais ça n’interdit pas de réfléchir à ce que nous faisons du temps, lorsqu’il nous est donné d’en avoir.
Robinson Crusoé avait, pour ne pas perdre pied, reproduit seul sur son île , le cadre étroit qu’il connaissait, et n’avait pas su apprendre de Vendredi , chance à côté de laquelle il passa, à vivre en harmonie avec le temps ( sauf dans le beau livre de M. Tournier ).
Alors, comment s’entendre bien avec ce temps-là ?
Comment saisir cette occasion pour changer notre rapport au temps, et nous installer dans le moment présent, sans projets, nous qui avons subi maintes injonctions pour en formuler ?
Comment regarder le passé, pour se souvenir des belles choses, des bons moments et des belles personnes, sans être saisis par la nostalgie ?
Comment prendre soin à la fois de l’esprit, de l’âme et du corps, alors que nous négligions précédemment l’un ou l’autre ?
Comment cultiver nos connaissances, ce jardin de l’esprit, au-delà du superficiel auquel nous sommes accoutumés ?
Comment cultiver nos relations, ce jardin du cœur ,au-delà de simples noms dans un carnet d’adresses ?
Ce sont des cultures qui ne demandent aucune technique, seulement un peu d’attention, pour se remettre à pousser.
La réponse n’est pas dans le vent, elle est chez nous, tendons l’oreille : nous avons le temps.
Christine Findal.