Ruh di talwit
par
popularité : 2%
Ruh di talwit
De lui, le sociologue Pierre Bourdieu disait : « Ce n’est pas un chanteur comme les autres. C’est un membre de chaque famille. »
Je me souviens des gargottes kabyles et des foyers Sonacotra de Saint-Denis, de Belleville et de Ménilmontant dans ces années soixante-dix, où les berbères et les nomades urbains que nous étions alors, se cotoyaient épaules contre épaules dans ce que nous croyions être les prémices d’une nouvelle fraternité humaine.
Je me souviens qu’en fin de soirée quand la douleur de l’exil débordait des coeurs et des verres, il n’était pas rare d’y croiser la fine fleur de la chanson amazigh, Djamel Allam, Slimane Azem, AÏt Menguellet, ou des inconnus de passage qui sortaient simplement mandole, derbouka, bendir et violon tenu verticalement sur le genou pour chanter le pays.
Je me souviens comme d’une illumination, d’un dénommé Idir dont personne n’avait jamais entendu parler jusque là, chantant A Vava Inouva à la radio et ouvrant la voie à une nouvelle génération de chanteurs qui ont payé cher le combat de la reconnaissance de la langue et de l’identité berbère.
Je me souviens d’un concert en 2003 au Festival des Chants de Marins sur le port de Paimpol, où Idir rivalisait d’harmonies dans une joute musicale et fraternelle avec Natacha Atlas, et des derviches tourneurs venus d’Égypte.
Je me souviens du neveu de Mohand venu nous attendre à la gare de Tizi Ouzou un matin bleu de mai 2017, et du nouveau disque d’Idir Ici et Ailleurs passant en boucle dans sa voiture, dont les chansons nous ont accompagné de villages en villages à travers les montagnes de la Petite Kabylie jusqu’à notre retour tard dans la nuit algéroise.
S’il existe quelque part dans le firmament des montagnes du Djurdjura un paradis pour les musiciens, tu y retrouveras sûrement Matoub Lounès, Kamel Messaoudi et tous les anciens sages qui ont fait le chemin.
Alors barbus, militaires et autres empêcheurs de danser et chanter en rond à la triste figure, n’auront qu’à bien se tenir.
Sgunfu di talwit a gma, Idir.
Hervé Youcef Thomas.
Écoutez le concert complet qu’Idir a donné à Alger à la Coupole le 4 janvier 2018 et n’oubliez pas : https://www.youtube.com/watch?v=9iqEwBM9OOM