A LA VEILLE DE LA COP 28 par le Groupe Climat-transition d’ATTAC Marseille

mercredi 29 novembre 2023
par  MEAD Christine
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A la veille de la COP28 … Les déclarations face au réchauffement climatique, et en même temps, le soutien inconditionnel aux énergies fossiles

Bilans et alertes de l’ONU, devant l’inertie des états [1]

À l’approche de la COP28 de Dubaï, les Nations unies exhortent les États à prendre des mesures strictes.

« L’effondrement climatique a commencé. Notre climat implose plus vite que nous ne pouvons y faire face, avec des phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent tous les coins de la planète », a déclaré António Guterres, le secrétaire général des Nations unies, dans un communiqué publié le 6 septembre.

Cet emballement climatique est en effet dû à la combustion de charbon, de pétrole et de gaz qui est à l’origine de près de 90 % des émissions mondiales de CO2.
Chaque année, l’agence onusienne (PNUE) publie dans le rapport annuel du programme de l’ONU pour l’environnement une évaluation des écarts entre les objectifs de réduction affichés par les États et les réductions qu’ils devraient mettre en œuvre pour maintenir la hausse des températures à moins de 2 °C.

« Ce ne sont plus des écarts mais de véritables canyons souillés de promesses brisées  », a tristement ironisé António Guterres, secrétaire général des Nations unies, lundi 20 novembre.
À dix jours de l’ouverture de la COP28, le sommet sur le climat à Dubaï, il a fustigé « la trahison des dirigeants » et appelé les chefs d’État et de gouvernement à arrêter de « faire du greenwashing [écoblanchiment] et de traîner les pieds  ».

Pourquoi ? Les émissions mondiales de dioxyde de carbone ont encore augmenté, selon le PNUE : + 1,2 % entre 2021 et 2022. Ce taux peut paraître faible, mais il doit être mis en rapport avec le fait qu’elles devraient en réalité baisser très fortement d’ici 2030 : de 43 % pour contenir le réchauffement à 1,5 °C et même de 28 % pour maintenir le cap des 2 °C selon les derniers travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

Dans ce contexte, les engagements des pays riches à atteindre zéro émission nette en 2050, c’est-à-dire à ne pas rejeter plus de CO2 dans l’atmosphère qu’ils ne peuvent en compenser, «  ne sont pas actuellement crédibles  », selon l’ONU, car « aucun pays du G20 ne réduit ses émissions à un rythme compatible avec cet objectif ».

Laurence Tubiana, coordinatrice des négociations ayant mené à l’accord de Paris en 2015, et aujourd’hui à la tête de la fondation européenne pour le climat, déclare : « Nous savons que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour maintenir la hausse des températures en dessous de 1,5 °C, voire de 2 °C. Nous savons aussi ce qu’il faut faire : obtenir un accord ambitieux lors de la COP28 sur la sortie des énergies fossiles ainsi que des plans climatiques nationaux (NDCs) plus ambitieux. Il existe une incompatibilité fondamentale entre les énergies fossiles et nos objectifs climatiques. Nous savons que la transition énergétique est technologiquement possible. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de volonté politique, et donc d’un texte final robuste lors de la COP28 ».

Les pays riches n’ont jamais autant financé les énergies fossiles

Subventions, investissements, prêts…
En 2022, les gouvernements du G20 ont consacré 1 400 milliards de dollars d’argent public pour soutenir le développement de l’industrie fossile, selon une analyse de l’Institut international du développement durable (IISD).

S’appuyant sur les données de l’Agence internationale des énergies (AIE), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ainsi que sur des rapports des gouvernements, l’IISD indique qu’en 2022, le montant injecté par les pays du G20 dans le secteur a atteint la somme astronomique de 1 400 milliards de dollars. Ce chiffre, qualifié de « stupéfiant » par les chercheurs qui ont mené l’analyse, représente l’addition des subventions, des investissements, ainsi que des prêts issus des institutions financières publiques.

« Nous constatons une augmentation massive du soutien gouvernemental aux énergies fossiles en 2022 », a souligné Tara Laan, experte associée à l’ISSD et autrice principale de l’analyse, lors d’une conférence mercredi 23 août.

Au-delà des pays du G20, en 2022, les subventions aux combustibles fossiles ont atteint le chiffre record de 7 000 milliards de dollars, selon une étude récente du FMI, qui corrobore les constats de l’IISD. Cela est l’équivalent de 7,1 % du produit intérieur brut mondial, soit près du double des dépenses publiques annuelles consacrées à l’éducation (4,3 % du revenu mondial), souligne le FMI. On peut noter en parallèle que les COP n’arrivent pas à trouver les 100 milliards de dollars pour aider les nations vulnérables à s’adapter et se protéger des futurs désastres climatiques.

La trajectoire climatique planétaire dépend en grande partie de la réduction des émissions des pays du G20. Bien que les dirigeants du G20 aient convenu, dès 2009, qu’ils allaient « supprimer progressivement les subventions inefficaces » aux combustibles fossiles et se soient engagés à respecter un objectif climatique commun – en ratifiant l’Accord de Paris –, en 2021, l’ensemble de ces pays étaient responsables d’environ 80 % des gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère.

Objectif 1,5 °C : il est déjà trop tard !

Notre dépendance aux fossiles est telle que, d’après une étude britannique qui vient de paraître dans la revue Nature Climate Change, au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, il nous reste moins de six ans avant que la barre symbolique de + 1,5 °C ne soit franchie, soit d’ici 2030.

Une équipe de l’Imperial College London a publié le 30 octobre dans Nature Climate Change une mise à jour de la quantité de carbone qu’il nous reste à émettre pour atteindre 1,5 °C de réchauffement global par rapport à l’ère préindustrielle. Fixé par les scientifiques, ce seuil permettrait d’éviter un niveau insoutenable de réchauffement, qui se traduirait par des catastrophes accrues (chaleur, montée des eaux, etc.). Le volume de ce budget carbone [2] restant — 250 gigatonnes de CO2 — est si bas que l’objectif est inatteignable, selon les auteurs. En 2022, 40 gigatonnes ont été émises. À ce rythme, le budget carbone sera épuisé dès 2029. Impossible, donc, de rester sous 1,5 °C, sauf à arrêter net nos émissions de carbone dans six ans.
Dès 2018, le rapport spécial du Giec sur 1,5 °C prévenait que rester sous 1,5 °C de réchauffement global nécessitait deux choses : une baisse de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre en 2030, et d’atteindre zéro émission nette en 2050, c’est-à-dire que les activités humaines n’émettent pas plus de carbone que ce qui peut être simultanément stocké. « Cette fenêtre se ferme, puisque les émissions continuent d’augmenter malgré les engagements de l’Accord de Paris ».

La consommation d’énergie fossile bat des records.

Non seulement le faible essor des énergies renouvelables n’a pas inversé la courbe croissante de la consommation d’énergie primaire, dont la part des fossiles reste largement majoritaire (82 %), mais l’utilisation des énergies fossiles continue de progresser. Cela a été rendu possible notamment par les subventions publiques aux énergies fossiles, qui ont été multipliées par quatre par rapport à la décennie précédente, souligne l’analyse de l’IISD.

Les investissements publics dans de nouvelles infrastructures associées à l’exploitation fossile progressent, notamment dans les pays émergents. Tandis que la Chine et l’Inde ont relancé le charbon au nom de la sécurité énergétique, les pays du Moyen-Orient ont, pour la première fois depuis la pandémie, augmenté les investissements dans le pétrole et le gaz. -A son échelle, la France n’est pas en reste, en soutenant les prospections dans les Landes, les nouveaux projets de TOTAL …-

La consommation mondiale d’énergie fossile est largement en hausse :

  • Charbon : augmentation de 3.3 % de 2021 à 2022.
    Le charbon représente 27% de la consommation d’énergie.
  • Pétrole : Sa consommation est passée de 97.6 millions de baril/jour en 2021 à 99.9 en 2022, et autour de 102.2 en 2023.
  • Gaz : celle du gaz est passée de 3 861 milliards de mètres3 à 4 037 en 2021 ; elle a connu par contre une baisse exceptionnelle de 1.6% en 2022 dans le sillage de la guerre en Ukraine.

Cette hausse globale est en contradiction « flagrante » avec les préconisations des scientifiques.

En effet, selon le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), le respect de l’Accord de Paris exige de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici à 2030 à l’échelle mondiale, par comparaison avec le niveau de 2019.

L’AIE avait aussi déclaré, en 2021, qu’il pourrait n’y avoir, « à partir d’aujourd’hui, aucun investissement dans de nouveaux projets d’approvisionnement en combustibles fossiles  ».

Les émissions de gaz à effet de serre, les dommages causés par les effets du dérèglement climatique et la pollution de l’air entraînent des coûts colossaux pour les sociétés.

Sortie des énergies fossiles, stop à la déforestation, …

Le 27 novembre, le secrétaire général de l’ONU a appelé les dirigeants du monde qui seront réunis à la COP28 à briser le « cycle meurtrier  » du réchauffement et ses impacts dévastateurs.

« Les solutions sont bien connues », a-t-il noté, appelant les dirigeants à agir pour « protéger les populations du chaos climatique  ».
« Nous avons besoin d’un engagement mondial à tripler les énergies renouvelables, doubler l’efficacité énergétique, et apporter de l’énergie propre à tous, d’ici 2030. »
« Il faut un engagement clair et crédible pour la sortie des énergies fossiles à une échéance alignée avec 1,5°C  », a-t-il ajouté, en référence à l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris de limiter le réchauffement à +1,5°C.

« Et nous avons besoin de justice climatique », avec « une hausse majeure des investissements pour l’adaptation et pour les pertes et dommages, pour protéger les populations des extrêmes climatiques », a-t-il également insisté.

Pour tenter malgré tout de parvenir à respecter les engagements pris en 2015 à Paris, les Nations unies rappellent une liste des grandes politiques prioritaires à mener.
En pointe dans ce combat : « la montée en puissance des énergies renouvelables », «  l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles, la lutte contre la déforestation, … protéger les puits océaniques naturels, … le soutien à l’action climatique dans les pays du Sud …  ».

La COP28, devrait être un moment de vérité crucial, mais les pays y arrivent avec des plans climat totalement insuffisants et l’industrie fossile ne pense qu’à augmenter sa production

Les déclarations, … et les mesures effectives

« L’abandon progressif des énergies fossiles est inéluctable  », a concédé Sultan al-Jaber, président de la COP28, le ministre de l’Industrie et de la technologie innovante … qui préside la Compagnie nationale pétrolière des Émirats arabes unis (ADNOC), lors d’un récent discours en vue de la prochaine conférence des Nations unies sur le climat qui se tiendra à Dubaï, aux Émirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre. « Mais cela prendra du temps,… »

Mélange des genres !
Début novembre, le fil anglophone de l’Agence France-Presse démontre, après la consultation de documents internes, que le puissant cabinet de conseil McKinsey aide l’équipe de M. Al-Jaber à préparer le sommet en proposant des scénarios de transition énergétique, comme la réduction de la part du pétrole de 50 % en 2050. Une trajectoire en totale contradiction avec les alarmes des scientifiques.
Omnipotent, McKinsey travaille aussi pour de nombreuses multinationales des énergies fossiles.

Mardi 14 novembre, l’ONU Climat a publié une synthèse des plans d’action des 195 parties – 194 États plus l’Union européenne – signataires de l’accord de Paris afin de limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici la fin du siècle. Le résultat est sans appel.
Les engagements climatiques pris par l’ensemble de la communauté internationale demeurent extrêmement loin des objectifs nécessaires pour contenir l’emballement des températures.

En effet, alors que les émissions doivent être réduites de 43 % d’ici à 2030 (par rapport aux niveaux de 2019) pour rester sous la barre fatidique des + 1,5 °C, la « mise en œuvre intégrale » - si toutes les politiques des États étaient bien appliquées-, des feuilles de route de tous les pays n’entraînerait, au mieux, qu’une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 2 %.

Une catastrophe en termes de dérèglement climatique !

Alors que la combustion de charbon, de pétrole et de gaz est à l’origine de près de 90 % des émissions mondiales de CO2, seuls 9 % des États ont mentionné dans leurs plans climat la réduction progressive de la production d’électricité à partir de charbon, selon la synthèse de l’ONU Climat.
La suppression des subventions inefficaces aux énergies fossiles a été indiquée par à peine 4 % des gouvernements.

Par ailleurs, si le Giec préconise notamment le déploiement des énergies solaire et éolienne comme mesure peu coûteuse pour diminuer les émissions d’ici à 2030, à peine la moitié des feuilles de route remises aux Nations unies projettent des plans de développement du photovoltaïque à la fin de la décennie. Le chiffre est de 36 % pour l’éolien.

Directrice exécutive du PNUE, Inger Andersen cible elle aussi les industries des énergies fossiles : « Les gouvernements ne peuvent pas continuer à faire des promesses de baisse des émissions et en même temps autoriser d’énormes nouveaux projets fossiles. Cela met en péril la transition énergétique mondiale et le futur de l’humanité.  »

On peut s’attendre à de belles promesses pour une réduction partielle des énergies fossiles à moyen terme, mais surtout pas de mesures pour freiner leur croissance à court terme.

Cependant, comment la COP28 pourrait-elle prétendre prendre des engagements à la hauteur de la nécessité de réduire radicalement et immédiatement nos émissions mondiales de gaz à effet de serre, si ce sommet international est accueilli et organisé par les représentants de l’industrie fossile [3] , principale coupable des dérèglements climatiques, leur objectif étant bien d’augmenter leur production d’énergie fossile d’ici 2030 ?

Article rédigé le 29 novembre 2023 par le groupe climat-transition d’Attac Marseille.
également en pdf, en pièce jointe que vous pouvez télécharger.

bilan_et_alertes_onu_-cop_28.pdf

[1Ce document est rédigé à partir d’articles de Médiapart et de Reporterre parus au cours des trois derniers mois, et centrés essentiellement sur les rapports et déclarations de l’ONU.

[3Lors des premières COP Climat, les représentants des industries fossiles étaient tenus à distance des enceintes de la Conférence !


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