Aéroport Marseille Provence suite ...
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Un Grand projet d’extension de l’aéroport Marseille Provence
– sauf dans le cadre de l’enquête publique- !
Une simple modernisation de confort ou un projet climaticide ?
L’Aéroport Marseille-Provence (AMP) a arrêté en 2017 un grand projet d’extension à travers son programme d’investissement décennal 2017-2027.
Entre 2007 et 2017, le nombre de destinations accessibles au départ de cet aéroport était en très forte progression, avec une augmentation de voyageurs passant de 6 à 9 millions de passagers annuels.
Puis en 2017, l’aéroport Marseille Provence dépasse le seuil symbolique des 9 millions de voyageurs.
Une croissance qui s’appuie sur deux leviers majeurs : - le développement du low-cost, - le développement du trafic international.
En 2018, il comptabilise 9,4 millions de passagers, soit 4,3 % d’augmentation, pour atteindre en 2019 10,151 millions de passagers.
Boosté par la croissance du trafic passagers l’aéroport Marseille-Provence promeut un vaste projet d’extension : l’année 2020 est la quatrième année de mise en œuvre du plan stratégique de la plate-forme phocéenne, plan de vol qui prévoit 500 millions d’euros d’investissement sur la décennie 2017-2027 dans les travaux de modernisation et d’extension des infrastructures pour lui permettre de franchir le cap des 12 millions de passagers avec le terminal T1, après avoir doublé la capacité du terminal T2, portant ainsi le nombre de passagers de 9 millions en 2017 à 16 millions en 2027.
On peut d’ailleurs penser que la nouvelle capacité, après la réalisation d’un tel projet n’atteindrait pas son niveau de saturation en 2027, quatre ans après sa réalisation, et que sa capacité effective permettrait d’atteindre le niveau de trafic envisagé par l’AMP pour 2045 de 18 millions de passagers.
2017-2023 : Rénovation-extension de MP2
2021-2023 : Réalisation du nouveau bâtiment : le chantier « cœur d’aérogare »
2022-2024 : Redressement des « taxisways » (pistes de roulement des avions).
2025-2026 : Aires de stationnement (parkings des voitures)
2026-2027 : une troisième jetée d’embarquement (piste)
La rénovation-extension de MP2 : le doublement de sa capacité d’accueil
Le terminal 2, dédié aux vols à bas coût, a connu de 2017 à 2020 une importante rénovation-extension de cette aérogare afin de lui permettre de doubler sa capacité d’accueil (de 2 à 4 millions de passagers)
Après la mise en service de deux nouvelles salles d’embarquement et de deux nouveaux postes avions (2 200 m2), AMP livrera cet automne 2020 les travaux de mise aux standards européens (standards dits « 3 ») des systèmes de contrôle des bagages : quatre stations de dépose des bagages, au lieu des deux tapis existants, convoieront les bagages des passagers jusqu’aux points de contrôle. Deux tomographes (scanners) de dernière génération seront installés afin d’effectuer des contrôles à la fois plus pointus et plus rapides.
Cœur d’aérogare pour le terminal 1 : c’est le cœur du projet d’extension de l’aéroport
Pour l’aérogare, l’opération prévoit le doublement de la surface du terminal 1 qui passera alors de 30 000 m² à 60 000 m² de surface plancher. Le nouveau bâtiment, constitué d’une halle de verre culminant à 23 mètres de hauteur, viendra connecter l’aérogare historique conçue par Fernand Pouillon en 1961 et les 2 halls imaginés par Richard Rodgers en 1992. Le projet a été confié au célèbre architecte Britannique Norman Foster (qui a signé en 2013 la fameuse ombrière du Vieux-Port).
L’aéroport a prévu d’inaugurer son nouveau Cœur en septembre 2023. Un coupé de ruban qui sera suivi d’un trimestre de travaux pour finaliser le réaménagement des derniers espaces.
Ce projet est soumis actuellement à enquête publique du 15 septembre au 16 octobre.
Mais plutôt que de le regarder à partir de l’œil promotionnel d’AMP, nous pouvons mieux le cerner à partir du dossier et de l’avis de l’Autorité environnementale (Ae) à qui de tels grands chantiers doivent nécessairement être soumis.
L’Ae s’est réunie le 24 juillet 2019, à La Défense. L’ordre du jour comportait, notamment, l’avis sur l’extension et la modernisation du terminal T1 de l’aéroport de Marseille Provence. (L’Ae a été saisie pour avis par le préfet des Bouches-du-Rhône, l’ensemble des pièces constitutives du dossier ayant été reçues le 28 mai 2019).
Synthèse de l’avis (extraits)
AMP prévoit aujourd’hui d’étendre et de moderniser le terminal T1, afin d’éviter la saturation et d’augmenter l’attrait des infrastructures aéroportuaires, dans le contexte de la poursuite de la croissance rapide du transport aérien. Le dossier juge inéluctable l’augmentation du trafic aérien et n’envisage pas d’alternative à ce modèle de croissance.
Le projet comporte d’une part une tranche ferme, projetée pour 2023, qui consiste principalement à créer un nouveau bâtiment « cœur d’aérogare », et à « redresser » des taxiways (voies de circulation des avions dans un aéroport), et d’autre part une tranche conditionnelle, prévue pour 2027, qui comprend la création d’une jetée d’embarquement et le réaménagement d’une aire de trafic.
…L’étude est généralement bien documentée, … Elle présente des défauts méthodologiques majeurs dans la définition des scénarios d’étude, … Ceci conduit à sous-estimer les impacts environnementaux du projet et à surestimer ses bénéfices socio-économiques.
L’Ae recommande en particulier au maître d’ouvrage et à l’Etat de démontrer la compatibilité du projet avec l’engagement de la France à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 , à traduire dans la SNBC -la Stratégie Nationale Bas Carbone- (, notamment en détaillant les modalités de compensation des émissions du projet après évitement et réduction.
…Eu égard au caractère substantiel de ces modifications, l’Ae estime que le dossier ainsi complété devrait lui être de nouveau soumis pour avis. …
Extraits de l’avis détaillé
…L’aéroport possède deux terminaux (T1 et T2) et comporte deux pistes presque parallèles orientées sud-est/nord-ouest aujourd’hui non indépendantes (Cf. figure 2). La piste intérieure, à l’est, d’une longueur de 3 500 m, est préférentiellement utilisée pour les opérations aériennes. La piste extérieure, d’une longueur de 2 400 m, n’est aujourd’hui empruntée que lorsque la piste intérieure est indisponible.
Le développement rapide du transport aérien conduit AMP à une projection de la fréquentation à hauteur de 12 millions de passagers en 2027 et 18 millions en 2045. Cette croissance ne signifie pas pour autant que le nombre d’avions augmentera en proportion, une décorrélation entre ces deux paramètres ayant été constatée depuis une vingtaine d’années. Cette croissance conduit le maître d’ouvrage à adapter de manière progressive les infrastructures aéroportuaires afin d’éviter leur saturation et d’en augmenter l’attrait. Des premiers travaux sur le terminal T2, essentiellement utilisé par des compagnies « low-cost », ont déjà eu lieu dans ce but.
Présentation du projet et des aménagements projetés
Le projet envisagé vise à renforcer la capacité de la plateforme pour faire face à l’accroissement de la demande qui devrait se poursuivre dans les prochaines décennies, mais aussi à améliorer la performance et l’attractivité de l’aérogare T1.
Dans ce cadre, AMP a choisi de retenir des aménagements, centrés en grande partie sur l’accroissement des capacités d’accueil des passagers, pour permettre d’augmenter la capacité du T1, actuellement de 8millions de voyageurs par an, à 12millionsde voyageurs par an.
Le projet comprend deux opérations en tranche ferme (nouveau bâtiment « cœur d’aérogare » ; redressement des taxiways) et deux opérations en tranche conditionnelle (nouvelle jetée d’embarquement, extension de l’aire de trafic avions). La tranche ferme est projetée pour 2023, la tranche conditionnelle pour 2027 mais cette date est susceptible d’être modifiée selon l’évolution constatée des trafics
…
Tranche ferme
Elle comprend la création du « cœur d’aérogare », différents aménagements de bâtiments existants, et le redressement de taxiways. Le nouveau bâtiment viendra s’insérer dans une dent creuse localisée entre le hall A du terminal et un parking, et a vocation à relier les halls A et B. Il permettra de centraliser de nombreuses fonctions opérationnelles telles que les contrôles de sûreté avec des équipements de nouvelle génération.
Extension du terminal T2
Comme celle du terminal 1, la capacité du T2 est limitée (4 millions de voyageurs) et d’après les prévisions de trafic, ce terminal pourrait être saturé au cours de l’année 2028. Le dossier transmis à l’Ae fait état d’une réflexion en cours visant à étendre à terme le terminal T2.
Principaux enjeux environnementaux relevés par l’Ae
Pour l’Ae, les principaux enjeux environnementaux sont :
la limitation des émissions de gaz à effet de serre liées en premier lieu au développement du trafic aérien permis par l’augmentation de la capacité de l’aéroport, ainsi qu’à la hausse des trafics routiers générée par cette augmentation ;
la non-dégradation de la qualité de l’air et de l’ambiance acoustique, dans un secteur fortement affecté par les pollutions et les nuisances ;
……….
Gaz à effet de serre *(1)
En phase exploitation, le projet a des incidences « directes » en termes de GES via les consommations énergétiques des nouvelles installations, et (surtout)des incidences liées à l’accroissement des trafics aériens et terrestres.
… L’Ae rappelle par ailleurs que le projet doit s’inscrire dans le cadre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, ainsi que des plans qui en découlent et dans le respect par la France de son engagement à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et à réduire ses émissions de gaz à effet de serre en conséquence.
L’Ae recommande au maître d’ouvrage et à l’Etat de démontrer la compatibilité du projet avec l’engagement de la France à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, à traduire dans la SNBC, notamment en détaillant les modalités de compensation des émissions du projet après évitement et réduction.
Voici donc quelques extraits de ce riche rapport*(2) de l’autorité environnementale, qui a pu analyser un projet appuyé sur des pièces beaucoup plus précises que ce dont nous disposons et rendre un avis sur l’extension et la modernisation du terminal T1, lesquelles, rappelons-le, permettent d’augmenter le trafic passager de 8 millions à 12 millions de passagers, a minima.
*(1) Le calcul des émissions de gaz à effet de serre pour un aéroport repose sur l’estimation des émissions liées à l’atterrissage, au roulage au sol, et au décollage (landing and take-off ou LTO), des moteurs auxiliaires (APU), auxquelles sont ajoutées la moitié des émissions de la phase croisière.
*(2) Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur l’extension et la modernisation du terminal T1 de l’aéroport de Marseille Provence -34 pages http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/190724_-_extension_du_terminal_t1_marseille_provence_13_-_delibere_cle14dcf7.pdf
Or si nous regardons maintenant le projet présenté par l’AMP pour l’enquête d’utilité publique, nous assistons à un retournement et un tour de passe-passe stupéfiants :
Alors que l’Ae a rendu son avis sur l’extension et la modernisation du terminal T1 de l’aéroport de Marseille Provence, à partir du projet remis par l’AMP, il ne s’agit maintenant que d’un projet de modernisation !
« La construction attendue entre 2021 et 2024 « ne vise en aucun cas à augmenter la capacité de l’aéroport », souligne AMP dans sa présentation mise en ligne, même si 20 000 m² d’espaces supplémentaires sont créés. (Cf. La Marseillaise 16/09/2020 DAVID COQUILLE )
Donc, pour la présentation à l’enquête publique, compte tenu de la pandémie, de l’air du temps, et de la pire crise qu’ait traversé la filière aéronautique, les responsables de l’AMP masquent l’objectif de ce projet et, conscients que le trafic est en berne, et qu’ils n’ont pas de chances d’aller au bout de leur plan décennal avant des dizaines d’années…n’ont pas peur d’affirmer froidement : la construction du « cœur d’aérogare » « ne vise en aucun cas à augmenter la capacité de l’aéroport » !!!
Et pour l’instant, concrètement, rien de changé à leur plan :
L’enquête publique sur, et seulement sur, le « Cœur d’aérogare », se tient comme prévu, avec la prévision d’AMP de démarrage du chantier de leur pièce maîtresse du plan décennal à la fin de l’année.
Ils précisent même : « On peut imaginer que les aéroports devront s’adapter à un ensemble de contraintes de contrôle sanitaire dans la décennie qui s’annonce. Même si rien n’est décidé à ce jour, on peut raisonnablement penser que ces contraintes nécessiteront inévitablement une rationalisation des flux passagers à des fins de contrôle, des formalités nouvelles qui induiront des temps d’attente, des locaux spécifiques et donc évidemment des surfaces supplémentaires. »
En fait, ils n’ont fait qu’anticiper le COVID et la nécessité de distanciation physique !!!
Nous sommes donc devant un projet de 250 millions dans un souci de confort et de bien-être, …
… ou une présentation masquant un projet climaticide ?
Le dérèglement climatique est un péril encore plus grave que l’actuelle crise sanitaire.
L’Europe, la France se sont fixées l’objectif de neutralité carbone en 2050. Sans une diminution drastique du trafic aérien, les espoirs d’atteindre la neutralité carbone sont nuls. -Rappelons que l’avion ressort en tête du classement des modes les plus polluants, avec des émissions de l’ordre de 45 fois supérieurs au TGV-.
Le scénario dont l’humanité a un besoin urgent, c’est la réduction du trafic aérien !
Il est donc important que le plus grand nombre de citoyens donnent leur avis sur la création du nouveau bâtiment, objet de l’enquête publique qui se déroule jusqu’au vendredi 16 octobre 2020 sur le registre numérique : www.registre-numerique.fr/coeur-aeroport-marseille-provence
et de commencer par pointer que l’autorité environnementale rendait en juillet 2019 un « avis sur l’extension et la modernisation du terminal T1 de l’aéroport de Marseille Provence » ; donc, dans le contexte de crise actuelle, les responsables de l’AMP présentent ce même projet, non pas en le changeant, mais en occultant son objectif d’extension ; c’est une présentation fallacieuse pour ne pas dire mensongère.
Il convient donc dans l’enquête publique de répondre en prenant en compte la réalité du projet et de ses objectifs effectifs ; l’augmentation du trafic en nombre de passagers et, de fait, l’augmentation du trafic aérien sont un objectif structurant de l’ensemble du projet décennal et particulièrement du projet de cœur d’aéroport.
A ce titre, les arguments mettant en cause l’augmentation du trafic aérien ne sauraient être jugés irrecevables puisque l’extension et la modernisation sont au cœur du projet de l’AMP !
La place que nous allons donner à l’aérien à l’avenir reflétera donc un choix sociétal et éthique : parmi les changements à opérer pour atteindre un monde neutre en carbone, est-on prêts à sacrifier quelques trajets en avion pour préserver des conditions de vie acceptables dans les décennies à venir ?