Décision historique : Le gouvernement doit rendre des comptes sur ses actions en faveur du climat  !

vendredi 4 décembre 2020
par  Hervé Thomas
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Décision historique :
Le gouvernement doit rendre des comptes sur ses actions en faveur du climat  !

C’est une belle brèche ouverte en matière de justice climatique en France !
La commune de Grande-Synthe, soutenue par Paris, Grenoble et les ONG de l’Affaire du Siècle, a gagné sa bataille. Le Conseil d’État demande au gouvernement de démontrer que ses efforts climatiques sont conformes à une baisse des émissions de 40 % d’ici 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

La copie doit être rendue dans trois mois.
Si elle n’est pas convaincante, la plus haute juridiction administrative pourra obliger l’État à agir.

Le Conseil d’État note dans sa décision que le gouvernement français a toujours dépassé les plafonds d’émissions fixés, reportant l’essentiel de l’effort à après 2023, malgré l’urgence climatique.

La plus haute juridiction administrative, qui a rendu sa décision jeudi 19 novembre, se prononçait pour la première fois dans un contentieux lié au changement climatique. Pour tous les acteurs environnementaux impliqués, élus et ONG, il s’agit là d’un moment historique. 

La commune côtière de Grande-Synthe (Nord) avait demandé fin 2018 au gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour infléchir la courbe des émissions. Le maire écologiste, Damien Carême, élu depuis député européen, estimait que sa commune et la centrale nucléaire voisine de Gravelines étaient menacées par la hausse du niveau de la mer si le gouvernement ne tenait pas ses engagements. Un refus leur ayant été opposé, ils ont saisi le Conseil d’État en janvier 2019, rejoints par les villes de Paris et Grenoble et plusieurs ONG (Oxfam France, Greenpeace France, Notre Affaire à Tous, Fondation pour la Nature et l’Homme) et l’Affaire du Siècle. 

"Un rythme jamais atteint jusqu’ici"

Avant de statuer définitivement sur la requête, le Conseil d’État demande au gouvernement "de justifier, dans un délai de trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030". Or, la haute administration note que la France "a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés" et qu’"une partie des efforts initialement prévus est ainsi reportée après 2023, ce qui imposera alors de réaliser une réduction des émissions en suivant un rythme qui n’a jamais été atteint jusqu’ici". 

"Le Conseil d’État souligne que l’État a des obligations non pas de moyens mais de résultats. À deux reprises, il utilise le mot d’effectivité, ce qui veut bien dire que les politiques ne doivent pas être seulement de jolis engagements sur le papier", assure Corinne Lepage, avocate de la commune de Grande Synthe. "C’est pour des jours comme aujourd’hui que nous avons fondé Notre Affaire à tous en 2015, pour que la justice climatique bouscule la société", résume Marie Toussaint, députée européenne. 

D’autres recours à prévoir

Si dans trois mois, les justifications apportées par le gouvernement ne sont pas suffisantes, le Conseil d’État pourra alors annuler son refus de prendre des mesures supplémentaires. En d’autres termes, l’obliger à agir. "Ce qui va se passer, c’est une évaluation des politiques publiques mises en œuvre. D’habitude, cet exercice a lieu en commission parlementaire ou à la Cour des comptes. L’énorme différence ici, c’est que le Conseil d’État peut aller beaucoup plus loin, puisqu’il a la possibilité, à l’issue de cette évaluation, d’ordonner à l’État d’agir, sur des points précis ! C’est donc une décision qui a le potentiel d’amener des changements très concrets", analyse Guillaume Hannotin, avocat pour l’Affaire du Siècle dans le dossier de Grande-Synthe. 

L’État, pour sa part, avait choisi de ne pas envoyer d’avocat à l’audience et a demandé un rejet des demandes, pour des motifs de forme et de fond. Le ministère de la Transition écologique avait toutefois assuré qu’il serait "entièrement à disposition" pour participer à une instruction supplémentaire. Il doit par ailleurs répondre de ses engagements climatiques dans un autre dossier, l’Affaire du Siècle, dans lequel le Tribunal administratif devra prendre en compte la jurisprudence du Conseil d’État. 

Il faut souligner que cette demande du Conseil d’État prend en compte les lois promulguées par l’état français : baisse des émissions de 40 % d’ici 2030.

Or la France, tout comme l’Union européenne, s’est engagée à atteindre la neutralité climatique (soit zéro émission nette de GES) d’ici à 2050. Cet objectif figure dans la loi énergie-climat adoptée en novembre 2019. Pour s’inscrire sur cette trajectoire de neutralité climatique, l’objectif de baisse d’émissions de GES pour 2030 de l’Union européenne doit être rehaussé, tout comme celui de la France. Cela est également nécessaire pour se conformer à l’Accord de Paris sur le climat.

C’est pourquoi la Commission européenne propose de renforcer les efforts visant à contenir le dérèglement climatique en portant de -40 % à -55 % cet objectif au niveau européen. Les Chefs d’État et de gouvernement fixeront cette direction lors du Sommet européen des 10 et 11 décembre 2020. La répartition de l’effort entre États restera ensuite à négocier.

Ce qui veut dire qu’en 2021 le gouvernement devrait démontrer que ses efforts climatiques sont conformes à une baisse des émissions non plus de 40 %, mais de 55% d’ici 2030.

Nous devrions alors avoir un relevé de dispositions concrètes, mesurées, programmées dans le temps, …, et qui n’oublient pas quelques filières, comme l’aéronautique !

Mais alors, ce ne serait plus simplement « oui au changement de langage, sans changement de pratiques  » ? On se prend à rêver !

Ce serait tellement loin des pratiques actuelles !

Prenons un magnifique exemple (magnifique et cauchemardesque) tout récent que le gouvernement vient de nous offrir : un « plan climat  » ambitieux… passant par le développement des énergies fossiles !

Le 12 octobre dernier, le gouvernement a remis au Parlement un rapport sur la décarbonation des financements export de la France. (Les garanties à l’exportation sont des outils financiers permettant d’aider les entreprises actives sur le sol français à exporter. Pour faire court, l’État se porte, via la filiale Assurance Export de Bpifrance, garant de prêts octroyés par des banques commerciales aux entreprises pour des transactions à l’étranger. En cas de pépin, c’est le contribuable qui indemnise la banque, pas l’entreprise) !

Ce « Plan Climat », présenté par le gouvernement comme “ambitieux”, propose de soutenir financièrement de nouveaux projets pétroliers jusqu’en 2025 et gaziers jusqu’en 2035. Il correspond plus aux trajectoires de croissance de Total qu’aux scénarios climatiques du GIEC !!!

Une page qui tourne, vraiment ?


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