Où il est question de béton et d’efficacité énergétique... par Jean-Paul COSTE
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Le développement du bétonnage est un choix politique ... il faut le contrôler et le limiter pour des raisons environnementales.
Le béton est un produit industriel, technique ... dont le développement n’est pas étranger non plus aux choix politiques, comme on va le voir.
Ces questions se posent dans le cadre d’une nécessaire transition énergétique, visant l’objectif de neutralité Carbone en 2050.
On admettra, grosso modo, les termes posés par le scénario NegaWatt, qui repose sur trois facteurs déterminants : l’efficacité énergétique, la sobriété, le développement des énergies renouvelables.
On peut rapidement en préciser les termes :
- L’efficacité énergétique est ce qui permet de dépenser moins d’énergie pour un même résultat. Par exemple :
• pour un même trajet, le transport sur rail dépense moins d’énergie que sur route ;
• pour obtenir une température donnée dans un logement, son isolation thermique est une mesure d’efficacité énergétique qui permet de consommer moins d’énergie.
• La réalisation d’un processus industriel implique toujours une dépense d’énergie. Se pose donc la question de l’efficacité énergétique des processus de fabrication
industrielle mis en œuvre. - La sobriété est une démarche qui vise à minimiser une dépense d’énergie mais en changeant les conditions. Par exemple, si j’accepte de changer un peu mes conditions de vie en baissant la température de mon logement de quelques degrés : ce n’est pas de l’efficacité mais de la sobriété énergétique.
- Le développement des énergies renouvelables concerne principalement les énergies hydraulique (chute d’eau), éolienne, solaire (photovoltaïque et thermique) et quelques autres ... Ce sont des énergies primaires, dont le flux est inépuisable (le vent, le soleil, les vagues...), contrairement aux énergies non-renouvelables dont le stock est fini. L’Uranium par exemple, utilisé pour produire de l’énergie nucléaire, n’est pas inépuisable. L’énergie nucléaire n’est donc pas renouvelable, et elle présente par ailleurs d’autres inconvénients majeurs (problèmes de risques et de déchets) qui justifient son abandon. Les énergies fossiles, par contre, doivent être abandonnées à cause du dégagement de CO2 qui en résulte.
On comprend bien que le gouvernement actuel ne promeuve que des mesures de sobriété ... qui ne lui coûtent rien, qui mettent à contribution les citoyens, mais qui ne l’engagent pas en tant qu’acteur de la transition énergétique.
Alors que mettre en œuvre des mesures d’efficacité énergétique nécessiterait de définir et d’appliquer une stratégie industrielle et réglementaire.
Les secteurs industriels les plus énergivores et les plus producteurs de CO2 sont les aciéries et la fabrication de béton.
La production mondiale d’acier en 2019 était d’environ 1,9 milliards de tonnes, et comptait pour environ 7–8 % de la consommation d’énergie primaire mondiale. [1]
La production mondiale de béton s’établit autour de 10 milliards de tonnes chaque année. Elle mobilise plus de 2,5 % de la demande d’énergie primaire mondiale.
L’empreinte carbone de la fabrication du béton :
[2]
Une étude de Techni-cités [3] précise les ordres de grandeur : les émissions consécutives à la fabrication du béton représentent 8 à 9 % des émissions d’origine humaine globales de GES.
Compte tenu de ces données, l’enjeu de la production d’un béton qui serait « bas-carbone » est donc considérable.
Réaliser le bilan carbone d’un matériau consiste à identifier pour chaque étape de son cycle de vie, quelle est la quantité d’émissions de CO2 produite. L’ADEME précise les ordres de grandeur :
• Béton courant (classe de résistance C25/30) : 235 kg de CO2 eq/tonne de béton
• Ciment : 600 kgCO2 eq/tonne de ciment (en France) et 1000 kgCO2 eq/tonne de ciment (moyenne mondiale)
L’article cité détaille le processus de fabrication du ciment :
- ● Broyage du calcaire et de l’argile
- ● Fabrication du clinker par chauffage à 1450°C. C’est cette étape qui représente la principale consommation d’énergie et la principale cause d’émission de CO2 :
- ▪ 40% dû à la consommation proprement dite d’énergie pour le chauffage
- ▪ et 60% dû à la réaction chimique de décarbonatation.
- ● Ajout de Gypse et d’adjuvants
- ● Obtention du ciment après broyage et les constituants principaux du béton :
eau (5,9%), ciment (11,7%), sable (38,6%), granulats (43,8%)
Le clinker est donc l’objet principal des recherches pour limiter l’empreinte Carbone et limiter la dépense énergétique résultant de la fabrication du béton.
Une première piste pour limiter les inconvénients des émissions de CO2 liées à la fabrication du clinker consiste à capter le CO2 et à le réutiliser pour la fabrication de méthane de synthèse (dans le processus de méthanation). Le méthane produit par réaction avec de l’Hydrogène sera considéré comme du méthane vert (ou bio-méthane) si l’Hydrogène utilisé est lui même produit par électrolyse en utilisant de l’électricité provenant d’En.Renouvelable.
Les bétons dits « bas-carbone ».
L’autre piste est de réduire les émissions de CO2 lors de la production du clinker.
Le site infociments [4] donne plus d’infos sur l’industrie cimentière en France et sur un processus d’économie circulaire qui permet de récupérer le laitier de Hauts-fourneaux et de l’incorporer au clinker.
Ce procédé permet une double valorisation :
• d’énergie : moins de combustibles fossiles, donc moins de CO2 émis
• de matière : pas de déchet ultime de résidus de combustion, les cendres étant incorporées dans le clinker.
Ce type de béton est souvent mal-nommé « bas carbone » : le gain sur l’ensemble du processus n’est pas complètement garanti et, surtout, le gain en terme de CO2 provient d’un effet de « comptabilité » qui répartit le CO2 entre la production de l’acier et celle du béton.
Le site elioth.com [5] précise le vrai du faux de l’appellation béton bas-carbone
D’autres types de béton ont été développés qui mériteraient mieux cette appellation de « bas carbone » dans la mesure où ce sont des bétons sans clinker : la part de calcaire étant réduite, plus besoin de recourir à la clinkérisation et à la carbonatation du calcaire, les deux opérations les plus émettrices de CO2.
Le procédé fait appel à des réactions chimiques à froid entre des matériaux grâce à des activateurs.
Et les matériaux utilisés sont des coproduits issus d’autres industries : argile métakaolin, gypse, laitiers de hauts-fourneaux, métasilicate de sodium.
Ce béton présente une empreinte carbone jusqu’à 70% inférieure au ciment traditionnel.
C’est ainsi que le ciment Hoffmann Green, sans clinker devient le 1er ciment sans clinker au monde à être validé par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) pour des applications de structure sur tous types d’ouvrages.
D’autres industriels ont également avancé dans l’objectif du bas-carbone, telle la société Materup avec son ciment d’argile crue local et bas carbone : le choix d’un développement en circuit court et sa technologie innovante promettent de réduire de 50 à 80% l’empreinte carbone de la construction.
Le béton bas carbone, un choix politique.
Il existe une grande variété de matériaux de construction : construction en ossature bois, en murs de pailles, en bois-terre-paille, en briques de terre cuite ou de terre crue, ou en béton...
Chacun de ces matériaux possède des caractéristiques spécifiques qui les rendent plus ou moins adaptées à différentes situation et différents usage.
La dénomination de béton recouvre également une variété d’usages dont certains le rendent difficilement remplaçable (arches de grands ponts, barrages, fondations d’éoliennes...)
La dénomination de béton recouvre aussi une variété de procédés de fabrication.
Cependant, l’évolution vers des procédés bas-carbone semble irréversible, malgré le flou actuel de cette appellation, compte tenu du secret des procédés de fabrication.
Quoiqu’il en soit, toutes les études s’accordent sur la vraisemblance d’une baisse tendancielle de l’empreinte Carbone du béton. La hausse du coût de l’énergie devrait renforcer cette tendance.
La balle est donc maintenant dans le camp des politiques.
Les réglementations devront privilégier les procédés les plus respectueux de l’environnement,
– déjà, a minima, dans les appels d’offres publics (planification de la construction de
logements sociaux, construction de bâtiments publics...)
– mais aussi pour les constructions privées, en durcissant les normes à condition, évidemment, d’établir un dialogue avec les industriels du secteur et des contrôles
stricts quant au respect des normes définies avec eux.
Compte tenu des urgences (sociales, économiques, climatiques, industrielles...) l’État ne doit pas se contenter de modifier quelques règlementations à la marge. l’État doit être le stratège de toutes les transformations.
Un autre monde est possible ... un autre type de construction aussi !!!
19 janvier 2023
Jean-Paul COSTE