Le 2ème livre du mois d’avril : Macron on fait le bilan ! un livre d’ATTAC France, présenté par Christine Findal
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Question de calendrier, une fois n’est pas coutume, voici le deuxième Livre du mois d’avril : Macron on fait le bilan, un livre d’Attac France, Editions les liens qui libèrent, 2022, 10 €
En 23 chapitres, Attac passe en revue les différentes facettes de ce quinquennat annoncé comme ouvert, moderne et progressiste, et qui n’a fait que recycler les vieilles recettes néolibérales.
Le 23 Mars à la librairie Maupetit, Raphaël Pradeau nous a déplié en particulier la fiscalité, l’évasion fiscale, le chômage ; je m’intéresserai à l’éducation, la pauvreté, la santé.
Le candidat de 2017, avec sa formule « en même temps », voulait faire croire à un programme « équilibré », mais les écarts déclarations-actes sont vite apparus.
Inspecteur des finances passé par la banque d’affaires Rothschild, secrétaire général adjoint de l’Elysée, puis ministre de l’économie (2014-2016) sous la présidence de François Hollande, il s’est présenté comme « hors système » (la suite nous prouva que non).
L’effondrement des partis traditionnels et leur insuccès à combattre chômage, précarité...l’ont bien sûr servi ; mais rapidement la couleur monarchique du régime, la langue de bois des ministres, l’action marquée par l’idéologie néolibérale classique se sont révélées.
Sa communication relève de la violence symbolique : invectives envers les chercheurs d’emploi, allocataires de minima sociaux, corps intermédiaires...
La suppression de l’ISF est révélatrice de ses choix ; devant le mouvement des gilets jaunes, il abandonne la « taxe carbone », mais refuse tout progrès social ;
contrairement à sa déclaration initiale, il ne reprend qu’une infime partie (8%) des mesures proposées par la Convention Citoyenne pour le Climat ;
en 2020, il se félicite de la mutualisation d’une partie de la dette par l’U.E., tout en préparant un programme de stabilité budgétaire synonyme d’une austérité inédite ;
il évoque, au début de la crise pandémique, les « jours heureux », référence volée au programme du CNR, alors qu’il ne cesse de remettre en cause le système solidaire de retraites ;
en 2021, il vante les gains de pouvoir d’achat de « tous les français », en omettant de préciser que les mesures fiscales ont permis un enrichissement massif des 1% les plus riches et aggravé les inégalités (cf rapport de l’Institut des Politiques Publiques).
Cet emballement des inégalités se double d’un emballement autoritaire, ce qui aggrave la fracture population/responsables politiques.
Le discours est clivant et court-circuite les « corps intermédiaires », notamment les organisations syndicales.
Parallèlement, les discours décomplexés d’extrême droite sur l’immigration, la sécurité...doivent beaucoup à la crise de confiance engendrée par l’assèchement de la vie démocratique ; discours tolérés, voire relayés, par certains ministres.
Fin 2021, le chef de l’Etat, en campagne sans le déclarer, indique son programme :
une réforme des retraites avec baisse des dépenses (donc, du fait de la démographie, du montant des pensions) avec report de l’âge de départ ; une société « sans statut », donc une régression sociale pour le secteur public sans amélioration pour les salariés du Privé ; flexibilisation du temps de travail, déport sur l’individu de ce qui est pris en charge collectivement...
L’éducation :
La libéralisation de l’école opère un tri des enfants auxquels une place sociale, déterminée par les besoins du marché, est assignée ; et ce, en faisant croire à une égalité des chances.
Longtemps, a prévalu l’idée d’une université ouverte à tous, qui assurait au moins un principe d’accueil indifférencié : Parcoursup conditionne l’avenir des lycéens à la loi d’algorithmes opaques, programmés par chaque département d’université où joue une sélection sociale implicite.
Dès le début du lycée, les jeunes doivent préparer leur plan d’orientation dans un contexte où les spécialités se multiplient de façon très inégalitaire, des services privés coûteux venant remplacer les conseillers d’orientation.
Le ministre de l’Education, à la longévité inégalée, ne jure que par les pédagogies « fondées sur des données probantes », réduisant l’apprentissage à une méthode qui néglige les conditions d’enseignement.
Aux mobilisations de 2019, la riposte a été, outre les sanctions, une loi qui enjoint les enseignants à « l’exemplarité »...
La pauvreté :
Le ton est donné par le président : « il suffit de traverser la rue pour trouver un travail »... « vous n’avez qu’à changer de qualification »... « on met un pognon de dingue dans des minima sociaux »...dans la ligne de « le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler » (à des grévistes, quand il était ministre)
Autant de citations révélatrices de sa vision de la prise en charge des inégalités.
Certes : grâce aux mesures prises en 2020 et 2021 et à la protection sociale par ailleurs remise en cause, le pire a été évité.
Mais la paupérisation avance et concerne : les chômeurs, les familles monoparentales (des femmes à 80 % ndlr), les jeunes.
Selon un rapport du sénat de Septembre 2021, le risque de basculer dans la pauvreté est accru par la précarisation du travail, le travail indépendant, la difficulté croissante d’accéder à un logement ; de plus, les dépenses fixes sont en augmentation depuis 20 ans.
Tout au long du quinquennat, les inégalités se creusent :
chez les plus aisés, les revenus d’activité restent élevés, mais surtout les dividendes explosent, notamment grâce aux mesures prises dès 2017.
Le taux de pauvreté monétaire (la part de personnes percevant un revenu inférieur à 60% du revenu médian) atteint 14,8 % en 2018 (niveau le plus élevé depuis...1996) en augmentation de 0,7 par rapport à 2017.
Les revenus d’activité situés en-dessous de la médiane progressent peu ;
les allocations logement ont été revues à la baisse, ce qui pénalise en particulier les familles monoparentales, dont la moitié bénéficient d’une allocation logement.
Le taux de pauvreté progresse aussi parmi les retraités (gel des pensions, hausse de la CSG dès 2018)
La réforme de l’assurance chômage (Décembre 2021) ne pourra que confirmer cette tendance.
Il est vrai que la redistribution joue encore un rôle positif : sans elle, le taux de pauvreté dépasserait 22%, selon un rapport de la DREES portant sur l’année 2019 ;
mais c’est à cette redistribution que le gouvernement s’attaque, et il entend poursuivre dans cette voie.
La santé :
« Ce n’est pas qu’une question de moyens, c’est une question d’organisation » (discours répandu aussi dans la fonction publique territoriale et visant à faire croire que le management peut remplacer personnel et compétences, ndlr). Il s’est agit de poursuivre les réductions de dépenses publiques entamées par les prédécesseurs, tout en faisant supporter les coûts par les assureurs complémentaires, ce qui n’a aucunement résolu les principaux problèmes rencontrés par le système de santé français ; déserts médicaux, inégalité d’accès aux soins, dégradation continue de l’hôpital public.
Deux mesures : la suppression du forfait social (contribution à charge de l’employeur) pour les entreprises de moins de 250 salariés (2018) et la réintroduction de l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires (2019), entraînant une baisse de recettes pour la sécurité sociale, n’ont pas été compensées par l’Etat, ce qui appelle réformes et économies pour combler le manque à gagner.
Malgré la mise à jour du sous-financement de l’hôpital public lors de la crise sanitaire, l’ONDAM* de 2021 prévoit des économies de l’ordre de 4,2 Milliards d’euros.
Si le « Ségur de la santé » revalorise les salaires des soignants des hôpitaux et des EHPAD et prévoit un plan d’investissement étalé sur 10 ans, ce plan ne compense pas le retard pris, et les salaires moyens des soignants restent inférieurs à ceux de leurs homologues européens.
Fin 2021, 20% des lits d’hôpitaux en France sont fermés faute de personnel.
Parallèlement, la prise en charge du patient est transférée vers le privé (assistants médicaux, médecine numérique, urgences de nuit non vitales...) dans le plan « ma santé 2022.
La réforme « 100% santé » améliore l’accès à certains biens médicaux, très peu pris en charge par la sécurité sociale ; mais le coût est supporté par les assureurs complémentaires qui vont devoir augmenter leurs tarifs et le développement de l’assurance complémentaire contribue à la croissance des inégalités d’accès aux soins.
Outre l’écart abyssal entre les promesses du candidat et les réalisations de l’élu, ce président et ses gouvernements n’ont jamais appréhendé la crise systémique qui provient de l’impasse due à la marchandisation généralisée : des activités humaines, des connaissances, du travail, des biens naturels et des ressources monétaires permettant d’investir pour l’avenir.
C.F. Le 2 Avril 2022
* ONDAM : objectif national de dépenses d’assurance maladie ( 1996)