Le livre de décembre : L’imagier d’E. Chazerand et A. W.Gogusey présenté par José Rose
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Emilie Chazerand et Anna Wanda Gogusey, L’imagier, éditions la ville qui brûle, 2023, 16 euros
Imaginez un monde où les mots ont un sens, un sens qui touche au cœur d’abord. Pas comme ceux des communicants et autres faiseurs de langue de bois ou de coton.
Imaginez un monde d’images qui nous embarquent vers une contrée lumineuse et fraîche. Pas des images qui submergent, subjuguent mais jamais ne subvertissent. Des images aux couleurs d’arc-en-ciel, pétillantes et simples. Des images qui ne sont pas sages comme des images mais un peu fofolles.
Imaginez un monde où images et mots se combinent délicatement. Pas le poids des mots et le choc des photos, ce slogan ancestral qui nous empêche de penser.
Imaginez un petit monde de papier, écrit et dessiné à l’encre de poésie et de fantaisie. Pas un dictionnaire où les mots sont sagement rangés par ordre alphabétique. Un imagier qui propose au fil des pages des mots lancés comme des cailloux dans l’eau et qui font des ronds, des ricochets et des ondes au hasard de celles et ceux qui savent les capter. Un imagier qui mêle avec finesse et douceur des définitions simples et des illustrations aux couleurs d’aujourd’hui, joyeuses et dynamiques.
Entrez dans ce monde, de préférence en compagnie, disons d’un enfant avide de découvrir le monde et d’un plus grand qui reste émerveillé et désireux d’ouvrir des portes, de parler à celles et ceux qui ne savent pas encore les lire.
Dans ce monde, il y a la vie. Tout simplement. Une vie qui file comme la première image – du fœtus à la mamy – et sa première légende - « Toi : avant, toi maintenant, toi bientôt, toi un jour, toi dans longtemps » - et jusqu’à la dernière – « quand tout s’arrête » tandis que l’image d’une game boy affiche « game over » sur fond vert. On peut toujours espérer.
Ainsi avance un défilé fantasque mêlant maison et nature, humains et animaux, joie et chagrin, passion et corvée, pluie et soleil, qui se présente souvent en duo, pas dans la confusion du « en même temps » mais dans la tension productive des contrastes du vivant. Nuance.
Dans cet Imagier, il y a aussi les vacances – « fabrique à souvenirs » - et même le travail selon une définition qui se discute – « endroit où vont les adultes pour gagner de l’argent afin de partir en vacances » comme si l’activité de travail n’existait pas aussi comme moment spécifique donnant de la joie et du chagrin - mais il faut bien être un peu critique dans une critique de livre.
Et l’on s’arrête parfois sur des pépites que l’on a aussitôt envie de partager. Voici la rue, « endroit de passage, de rencontres et parfois de colère » ; le repos, « moment à soi qui permet ensuite d’être bien à plusieurs » ; les vêtements, « deuxième peau qui protège du soleil, du vent et du froid, et que l’on doit pouvoir choisir en toute liberté » ; la Fête, « enchantement partagé » ; la fierté, « bonheur d’être soi et bonheur que l’autre soit autre ».
On aimerait aussi pouvoir raconter les images comme celle de la passion – « activité que l’on fait le cœur léger » - illustrée par une peintre girafe en tee-shirt et jean bleu taché devant son chevalet tandis que l’enfant girafe se barbouille de couleurs en riant.
Ce livre engageant et engagé pourrait aussi suggérer les bases d’un autre monde, un monde construit sur les valeurs de diversité, de fierté, de partage, de commun, de consentement, de tolérance, un monde que l’on pourrait essayer. Pour voir.
Cet imagier peut même devenir un livre de devinettes proposant des définitions ou décrivant des images pour faire découvrir le mot, exemple « récréation des adultes », « endroit où on apprend l’autre », « endroit où on apprend à apprendre » ?
Voici un beau cadeau pour les enfants, les parents, les grands-parents, les tantes et les cousins, tous âges mêlés de 4 ans à 4x4x4x… ans. Un cadeau à picorer au gré de moments partagés, histoire de sourire et de rêver.
Un mot encore : ce livre a obtenu le prix Sorcières 2024. Une référence !?