Le livre du mois d’avril : A GAUCHE DE L’IMPOSSIBLE d’EDWY PLENEL présenté par Gérard Perrier
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LIRE EDWY PLENEL … « A GAUCHE DE L IMPOSSIBLE » Editions LA DECOUVERTE, 2021, 20 €.
Il s’est trouvé que j’ai fait connaissance d’E. Plenel dans ma jeunesse de gauche radicale, les années 70 (La Ligue Communiste, section française de la Quatrième Internationale). Il était militant actif de cette organisation dont les origines étaient liées à Léon Trotsky, opposant de gauche à Staline.
Ce fond commun a été l’occasion d’échanges. Une anecdote m’est restée en mémoire. Elle en dit long sur la vie familiale d’Edwy, sa formation éthique et politique et le cours de sa vie comme responsable politique, journaliste, directeur de la rédaction du MONDE (1996-2004), puis vif critique du fonctionnement de ce quotidien ; il le quitte et fonde en 2008, MEDIAPART, quotidien par Internet.
Une manifestation à Fort de France (Martinique) a lieu contre la venue de Pierre Messmer, alors ministre des DOM TOM, du gouvernement présidé par le Général de Gaulle. Des heurts violents ont lieu entre manifestants pro indépendantistes de l’île et policiers. Un jeune homme est tué par un CRS d’une balle à bout portant dans la tête. Les habitants du quartier, quelques mois après ce meurtre, vont en délégation rencontrer le père d’Edwy Plenel, alors représentant du ministre de l’Education Nationale en Martinique, afin qu’il donne le nom de ce jeune manifestant assassiné à une école neuve que le père Plenel doit inaugurer. Il hésite et fait droit à cette requête ; Il est démissionné de ses fonctions dans les 48h sur ordre du gouvernement. Le père d’Edwy a suivi ses convictions et non la protection de sa carrière. Quelle école politique pour son fils ! et c’est ainsi que la famille Plenel s’installe à Alger dans une Algérie indépendante, alors flamme des ex-colonies qui ont lutté et obtenu la plénitude de leurs droits souverains après avoir chassé les colons. Edwy Plenel en sera marqué à vie : on ne transige jamais avec ses convictions profondes, dusse-t-on en payer le prix sa vie durant.
On trouve cela dans le parcours du fils, E. Plenel et dans ce livre au titre éclatant d’utopie.
La porte étroite du salut de l’humanité par ce pari sur l’impossible. Lui seul peut permettre de résister à l’effondrement qui menace, ce mélange de destruction du vivant et déshumanisation favorable aux fuites en avant autoritaires et identitaires.
Les 397 pages du livre sont des pistes d’émancipation, un sursaut de la société, ses mobilisations et ses inventions contre la culture politique dominante.
Trois parties pour analyser d’une décennie à l’autre : « Face à la catastrophe »-« Où va la France ? » Les polémiques poltiques avec « L’effondrement socialiste »-« La souffrance démocratique » -« Les sursauts de la société ».
Les polémiques politiques sont légion, le livre de Plenel fait appel à une réinvention de l’espérance où s’ébauchent de nouvelles constellations pour chasser la nuit des dominations, ces astres morts. Il appelle de ses vœux, la République construite par les mobilisations et celle qui affronte la question coloniale, toujours en souffrance et jamais soldée. Il réfute l’universalisme dominateur dont la France serait propriétaire par essence. Or il n’y a d’universel que dans le partage et la relation : ne pas faire à d’autres ce que l’on ne voudrait pas que l’on nous fasse. L’Occident n’est pas le directeur des consciences et de l’histoire.
L’heure "nous-mêmes" a sonné : tant qu’il y aura des citadelles d’inégalités et d’injustices à faire tomber, le chemin de l’émancipation passe par la lutte contre l’ingouvernabilité des marchés, la liberté débridée des actionnaires, l’incitation à spéculer et à s’enrichir, dans les relations de travail, la vie des entreprises, la condition des salariés, une généralisation de violence insupportable.
Gérard Perrier.