Le livre du mois de mars : Shit ! de Jacky Schwartzmann, présenté par José Rose

lundi 4 mars 2024
par  MEAD Christine
popularité : 2%

Jacky Schwartzmann, Shit ! Seuil, Cadre Noir, 2023, 19,50 euros

Alors tu serais un chef indien féroce et je serais un cowboy au grand cœur…Ou bien tu serais un féroce gendarme et je serais un voleur au grand cœur… D’accord mais je serais un gendarme juste, très juste… et moi un voleur sans foi ni loi. Les rôles sont distribués, la partie peut commencer. Et tout devient possible, les rebondissements peuvent se multiplier, les obstacles se résoudre comme les citrouilles se transforment en carrosse. C’est le méchant qui se grime en gentil et réciproquement. C’est la mauviette qui devient superman.

Ainsi va le livre Shit ! « Total western » comme l’annonce un titre de chapitre. Une sorte de roman-feuilleton qui enchaine les épisodes avec vivacité et maintient le suspense avec des chutes de chapitres suggérant de nouvelles hypothèses, ceci jusqu’à la dernière page. Un page turning comme on tell.

Le tout dans un décor finement dessiné, très renseigné, crédible, réaliste et dans lequel se déroulent des actions improbables, des événements incroyables, des changements de rôle sans état d’âme. Une formule et tout est résolu. Les mots sont des baguettes magiques, des barrettes en l’occurrence, qui esquivent les problèmes sociaux, la pauvreté, l’ignorance, l’injustice. Il suffit de le dire pour le croire, de le penser et le tour est joué. On pense aux petits feuillets des voyants posés dans les boîtes aux lettres qui annoncent la résolution instantanée de tous les problèmes. On pense au Lève-toi et marche des faiseurs de miracles.

Et le lecteur se laisse balader comme dans un spectacle de prestidigitation lorsque la comparse réapparait indemne alors qu’elle a été traversée de coups de sabre dans un cercueil hermétiquement clos.

Ainsi va le héros du livre, Thibault le CPE de collège qui se transforme comme par enchantement en magicien des cages d’escalier, en Robin des bois du shit, en superman des cités déglinguées. Et nous l’acceptons sans peine. Quel bonheur de voir ainsi se dissoudre les obstacles, se résoudre les problèmes endémiques de notre société ! Il agit comme un joueur d’échec, avec plusieurs coups d’avance.

Ainsi s’enchainent les parties aux titres à double fond – « Quelques progrès, peut beaucoup mieux faire », « Beaucoup de bavardages, à quand les actes ? » - les chapitres aux formules intrigantes – « Les arabes ont horreur du vide », « Tu reprends du tofu ? », « Mot compte triple », « Les vapeurs de toi  », « Le rouleau de printemps  » - les formules piquantes, les dialogues vifs et les chutes habiles. On se délecte et l’on se dit que peut-être…

Et puis, il y a les personnages. Comme au guignol, on croise un commissaire taiseux, une comparse qui assure - « Tout ce qu’elle dit est à la fois vrai, pertinent et dingue » - Farid qui prend les réverbères pour des étoiles, Réda l’intraitable cogneur, Dounia qui n’ose pas, Thierry l’incrédule, Les frères Traoré – des « gangsta déguisés en eux-mêmes » - Marion et ses extra-balles, Sophie l’intendante antispéciste, les frères Mehmeti - « ces porcs de capitalistes » - Papa - le foot et la lutte des classes - Simon le frère catastrophe, Lisa l’amoureuse fugitive et Samia la princesse. Des personnes attachantes souvent, parfois de simples caricatures auxquelles on s’identifie sans peine. Et tous dans l’action. Rapide de préférence.

De l’intrigue et des péripéties je ne dirai rien bien sûr, on ne va pas divulgâcher non plus. Seulement un mot de la région évoquée – le Jura – et des lieux : l’Association Avenir qui assure le soutien scolaire, la cellule de veille du quartier, la cantine, le four et « un putain d’escalier magique  ».

Au passage, se dessine un état actuel de notre pays : la misère et la débrouille, les quartiers oubliés, la police, la boxe, les régimes alimentaires, la famille, l’alcool, l’école, le travail, les bagnoles de luxe, les profs, l’orientation professionnelle, la violence, la religion, le bricolage, la gauche et la droite…et même l’Amour.
On croise aussi des références - les Lip et leur célèbre « On fabrique, on vend, on se paie » - des chansons – Antisocial de Trust – des auteurs – Bourdieu, Houellebecq, Marx et sa plus-value absolue et relative – des films - Voyage au bout de l’enfer – et des petits plats comme le rizotto aux truffes.

Dans ce roman, les moments jubilatoires abondent et réveillent notre âme d’enfant joueur et de lecteur de BD et de mythologie : la magie du fric qui se répand comme un torrent bienfaisant, les trafics de haut vol, les embrouilles et les œuvres de bienfaisance, les balances et les bastons, les kalachs et les clashs. Et tout fait sens dans le non-sens.

Oui, dans ce monde complexe et désespérant, on a besoin de fables, de contes, d’humour noir et de petits moments d’espérance. Allez ! On y croit. Et on se fait complice le temps de la lecture. « Cela ne peut pas, cela ne doit pas s’arrêter ».


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