Le Livre du Mois : "Du monde capitaliste comme religion" de Bernard Vasseur, présenté par Christine Findal
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« Du monde capitaliste comme religion, ou comment célébrer la richesse en effaçant ce qui la produit ? » de Bernard VASSEUR, Editions de l’Humanité, 2021
L’hypothèse que le monde capitaliste fonctionne comme une religion est empruntée à Karl Marx et Walter Benjamin : une religion du quotidien à accepter tel qu’il est, fondée sur la dissimulation du travail humain, néanmoins indispensable à la création des richesses.
Pour désigner notre monde, on parle de "société de consommation" et d’ "économie de marché", en ignorant les personnes humaines qui produisent ces richesses et les utilisent de manière très inégalitaire sur la planète.
La "loi du marché" est invoquée pour licencier ou faire rembourser des dettes par ceux qui ne les ont pas créées.
Notre société, prétendument moderne et laïque, érige en culte le désir, constamment entretenu, des marchandises et de l’argent.
Le terme d’ « économie de marché » , venu recouvrir celui de société capitaliste, laisse entendre que toutes les relations entre humains peuvent être marchandes, que tout peut se voir attribuer une "valeur" en terme économique, qu’utilité et prix sont confondus ; dans ce contexte, la gratuité semble une anomalie.
Or, ce monde des affaires qui détermine notre quotidien est le résultat d’une histoire et peut être remis en question.
Loin d’une société imaginée par Marx comme "une association d’Hommes libres, travaillant avec des moyens de production collectifs", pour un produit social dont une partie est consommée comme moyen d’existence, partagée entre tous, tout étant conçu, organisé, décidé en amont et reconsidéré sans cesse par les participants (…), nous voyons, à notre époque, une production sociale atomisée, privatisée, dans l’ignorance de l’ensemble et sans souci du destin de la communauté.
Production et consommation se trouvent désaccordées du fait de la part démesurée prise, entre les deux, par le marché.
Le mode de production capitaliste actuel fait surgir des croyances, telle celle que Marx appelle un fétiche (objet hanté par une puissance obscure qui s’impose à ceux qui y croient) :
Lorsqu’un produit se vend sous forme de marchandise sur le marché, le travail humain qu’il contient disparaît, transfiguré en propriété intrinsèque dénommée « valeur ».
Puis celle-ci prend les apparences d’un prix, formulé en monnaie, semblant valoir par lui-même, accolé aux choses du marché, où elle deviendra capital.
Ce « fétichisme », ou mystique sociale, ou religion de la vie quotidienne, vise à nous faire croire au bien-fondé de notre monde, qui serait d’ordre naturel.
Ainsi, contrairement à ce que dit Max Weber, le monde moderne n’est pas désenchanté, mais autrement enchanté, étant celui des objets de valeur et des valeurs objectivées. (cf Etienne Balibar : « La philosophie de Marx »)
L’auteur : Bernard Vasseur
Philosophe né en 1945 : après avoir enseigné la philosophie, il est directeur d’un centre de recherche et de création dans les Yvelines.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux arts. Mais aussi, de :
- « La démocratie anesthésiée », essai sur le nouveau visage du politique, 2011, Editions de l’Atelier
- « Emancipation : mode d’emploi », 2012, Editions Cercle d’Art
- « Le communisme a de l’avenir si on le libère du passé », 2020, Editions de l’Humanité