Il est question de puissance du langage, de ses capacités performatrices utilisées par les dictateurs qui pratiquent aussi « l’évidemment faux » comme arme de sidération et considèrent qu’« il s’agit de communiquer pas de parler ». Sont ainsi illustrées et commentées la rhétorique populiste, les éléments de langage, l’art du flou, le story telling, la mise en scène de la parole mais aussi les livres supprimés, les langues interdites, la novlangue et les traces effacées. Les deux présidents, parmi d’autres, utilisent ainsi le silence et l’inversion pour réécrire l’histoire et suppriment les mots pour anéantir les choses.

Comment résister ? « Pour échapper à la fascination, je proposerais deux esquives. Poser autrement la question de la vérité, hors de son opposition avec le faux (…). Poser autrement la question de l’Europe, profiteuse pour Trump, concurrente pour Poutine, ennemie en tout cas ». « Substituer à la Vérité absolue et universelle avec un grand V, un comparatif plus vrai (que)… ». En appeler au jugement et faire de l’Europe « un espace de résistance » malgré ses limites, la rendre désirable en mettant en avant la laïcité, la diversité, la liberté, la démocratie, le savoir-faire, la juste répartition et la culture comme antidote et outil critique, l’ouverture aux mondes et aux passés, à ce qui vient. Et l’auteure de conclure ainsi : « Si j’avais à définir la culture de l’Europe, je dirais peut-être tout simplement : il y a des choses à entendre, il y a des livres à lire ».

Ce livre, illustré de quelques photos très signifiantes et riche d’encarts telle la liste des « mots qui n’existent plus aux Etats-Unis », est parfois un peu décousu, allusif, mais il est bien utile dans ces temps de guerres multiples aux munitions d’armes, de drones… et de mots.