Boires et Déboires de Ma Région Sud
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Boires et Déboires de Ma Région Sud
22 millions, non ce n’est pas le nombre de vaccins commandé par Renaud Muselier pour les paroissiens de Sa Région Sud ; ce n’est pas non plus l’argent public qui aurait pu être détourné ou utilisé à des fins personnelles par l’édile nouvellement réélue et pourtant condamnée d’une ville au nord de Marseille célèbre pour ses fontaines ; pas plus que le montant des profits engrangés en une heure par les actionnaires de Pfizer et Moderna depuis l’annonce du vaccin béni.
Non, 22 millions c’est le nombre de bouteilles de beaujolpif nouveau qui risquent de rester dans leurs casiers et qu’on ne pourra pas déboucher cette année, entrechoquant joyeusement nos godets sur le zinc des bistrots tout en refaisant le monde.
Déjà qu’on nous interdit la messe et qu’on est obligé de faire des prières de rues pour se faire entendre du Seigneur au risque de salir nos foulards Hermès et nos loden Burberry ; qu’on n’aura pas non plus nos santons faute de foire du même nom, même qu’on sait même pas comment qu’on va faire pour la crèche cette année ; alors nous priver en plus des vignes du Seigneur, il n’y a plus qu’à prier Bacchus, nymphes, satyres, et Pan réunis pour nous réveiller enfin de ce cauchemar pire qu’un vulgaire delirium tremens de commissariat de quartier.
Y’en a même qui prétendraient nous priver du Black Friday avec d’un côté les amish d’Attac qui veulent la peau d’Amazon, et de l’autre notre ministre Père Fouettard qui voudrait retarder les grandes agapes de la consommation aux calendes. Et pourquoi pas reporter Noël aussi puisqu’on y est ?
Ah les vaches, ah les braves gens, et dire que pendant ce temps-là, dans l’ombre des ors de la République, la fête continue : en effet, Christian Estrosi et Renaud Muselier, les deux présidents LR qui se sont succédés à la tête de la Région Sud depuis 2015, sont accusés d’avoir utilisé l’argent de la région afin de rémunérer un nombre trop élevé de collaborateurs de cabinet. C’est ce qui ressort d’un rapport de la chambre régionale des comptes dans lequel les magistrats financiers ont retrouvé “au moins neuf” membres de cabinet dont les fonctions ont été déguisées en postes de “chargés de mission” dans les services de la région par les deux présidents successifs. En faisant faisant passer leurs conseillers pour des chargés de mission, les deux présidents ont pu éviter d’atteindre la limite de 14 collaborateurs fixée par la loi, en restant officiellement à 13. Alors qu’une comptabilité honnête les aurait conduits à dépasser a minima la vingtaine. La CRC y voit “un détournement de procédure permettant de s’affranchir dans les faits de la limitation du nombre de collaborateurs”.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a depuis mis fin à la situation soit en ne renouvelant pas certains contrats, soit comme dans le recyclage des déchets en recasant les intéressés dans d’autres services , le tout dans un beau mouvement de chaises musicales avec bonus et rémunérations plus plus plus à la clé.
Prenons donc quelques exemples parmi tant d’autres avec Mandy Graillon passée de conseillère culture à directrice adjointe de cabinet, – aujourd’hui adjointe au maire d’Arles – et qui a ainsi été recrutée à 3.400 euros nets en janvier 2016 pour atteindre 7.200 euros nets au 1er septembre 2018. Ce dernier contrat avait fait tiquer jusqu’à la préfecture qui n’a pourtant pas été plus loin et préfère s’occuper plus utilement des migrants et autres gilets jaunes.
Pierre-Louis Cros, désormais membre du cabinet de la ministre déléguée à l’insertion Brigitte Klinkert après s’être présenté sous les couleurs de LREM aux municipales à Marseille, faisait aussi partie des conseillers du président de région. Avec un salaire qui est passé en deux ans de 2.500 nets pour un mi-temps à 5.500 euros nets à temps plein, de quoi servir d’exemple aux derniers de cordée du COVID, enseignants, soignants, magasiniers et autres sacrifiés qui n’ont qu’à s’en inspirer plutôt que de se plaindre sans cesse.
Un petit dernier avant d’aller s’en jeter un derrière la cravate ? Oui, avec la nomination récente par Renaud Muselier du directeur de la Société du canal de Provence. Un satellite de la région qui réalise chaque année plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie près de 550 salariés. L’heureux élu se nomme Jean-Luc Ivaldi. Ce directeur général adjoint des services à la région, arrivé là grâce à Renaud Muselier, profite ainsi d’une belle promotion à l’abri des affres électorales. Il faut dire que c’est un fidèle parmi les fidèles de l’élu Les Républicains dont il a été durant ces trente dernières années assistant parlementaire ou encore directeur de cabinet. Ah mais avant, Jean-Luc Ivaldi a aussi dirigé Habitat Marseille Provence, alors bailleur social de la mairie de Marseille lorsque Renaud Muselier était premier adjoint. Cette arrivée inattendue ressemble fort à un fait du prince. Elle a en effet court-circuité un processus de recrutement mis en place depuis plusieurs mois. Usant de son “droit d’agrément”, procédure qui lui permet de choisir le candidat au poste de directeur général soumis au conseil d’administration de la SCP, la région s’est assise sur des mois de travail du jury pour imposer son choix. La délibération à ce sujet n’a pas été votée en séance publique mais en commission permanente, organe où sont validées les décisions mineures, sans public ni débat. C’est pas beau ça ?
Je sens que vous en voulez d’autres alors en voilà encore : neuvième sur la liste de Martine Vassal dans les 6e et 8e arrondissements, Nora Preziosi (LR) était promise à devenir conseillère municipale et métropolitaine. Mais Martine a perdu le secteur historique de Jean-Claude Gaudin qui a basculé, rétrogradant celle qui était adjointe depuis 12 ans au rang de conseillère d’arrondissement. Heureusement en politique, il y a parfois moyen d’amortir les défaites. Tout d’abord, Nora Preziosi reste conseillère régionale. Mais mieux encore Martine Vassal a nommé sa colistière au conseil d’administration du bailleur social de la métropole, Habitat Marseille Provence (HMP), en tant que “personnalité qualifiée”. Un honneur renforcé en septembre par le conseil d’administration, qui a même élu Nora Preziosi vice-présidente.
On pourrait ainsi dérouler une liste sans fin qu’il serait injurieux pour Prévert de qualifier ainsi, des moulons de nominations de copains et de copines dont on ne douterait pas un instant des compétences, tant ils siègent depuis des décennies ici et là, passant d’un conseil administration à un mandat d’élu quant ce n’est pas le contraire.
Que voulez-vous, on a le sens de l’État qu’on peut et les élus qu’on mérite. En attendant mieux, pendant la pandémie les marchands de vins restent ouverts et il nous reste 22 millions de bouteilles à écluser.
Alors levons bien haut le coude et le verre en buvant à la santé du vieux monde qui est plus que jamais devant nous.
Hervé.
PS Merci une fois de plus à Marsactu pour son remarquable travail de recherche et de documentation sur la question.