Femme, fille, autre
par
popularité : 9%
Femme, fille, autre(1)
Contrairement à certaines séries pour lesquelles j’avoue être, le rouge au front, coupable de « binge-watching » – ce déplorable visionnage boulimique qui désactive les neurones – la saison 2 du confinement ne me passionne pas. Je ne suis pas la soupe servie en prime-time et pioche mes informations ailleurs. Quelles sont donc les dernières nouvelles que j’ai retenues ?
L’une d’entre elle, perdue dans les analyses des résultats d’Outre-Atlantique, est l’élection de Sarah MacBride, 30 ans, première sénatrice transgenre du pays, élue à 86% dans l’État du Delaware. Les électeurs signalant là que, nonobstant les gesticulations de leur roi Ubu, la démocratie américaine se doit d’être le garant de la justice et de l’égalité.
De justice et d’égalité nous avons aussi copieusement besoin, en France, envers les personnes LGBT, les femmes et les personnes racisées. Nos luttes sont intersectionnelles ou ne sont pas.
Cette année c’est le 4 novembre à 16h16 (2) que les Françaises ont commencé à travailler gratuitement du fait des inégalités salariales. La crise sanitaire a aggravé l’ensemble des conditions de vie des personnes précaires, avec les femmes en première ligne de mire. Ne serait-il pas temps d’introduire la notion de genre dans les réflexions de l’État ?
La lutte pour la justice sociale passe par la lutte pour l’égalité hommes-femmes. Qui ne peut pas se réduire au seul distinguo masculin-féminin. Les femmes racisées qui font des grèves dans les palaces subissent une triple peine : être des femmes, être des femmes ouvrières et être des femmes non-blanches. L’ostracisation des femmes non-blanches se retrouve également dans la stigmatisation des femmes qui portent le hijab. On va là plus loin la question de la classe ouvrière, en articulant la question de « la race », de la classe et du genre.
En les payant moins, comme en voulant contrôler leur corps on continue de dire aux femmes ce qu’elles doivent être et la place qui leur est réservée. Elles n’ont le droit d’exister qu’en se conformant à la norme dominante qui est blanche, hétérosexuelle, valide et instruite. Et soumises à une esthétique dont des critères n’empruntent en rien à leur intelligence.
L’élection de la jeune Sarah MacBride est une bonne nouvelle, signe que les temps sont pour les femmes, filles, autres à relever le défi, à se lever contre « l’oppression patriarcale, le sexisme, l’exploitation domestique, les violences sexuelles, médicales, conjugales, le harcèlement et les discriminations (3). »
Pascale COMPTE
5 novembre 2020
(1) Femme, fille, autre est un roman de Bernardine Evaristo, première femme noire lauréate du Man Booker Prize en 2019.
(2) Enquête de la communauté Les Glorieuses sur l’égalité salariale, parue dans la newsletter du 4 novembre 2020.
(3) Conclusion d’une tribune signée par le collectif #ToutesDesFemmes, parue dans Libération le 26 février 2020.