Nos racines et leur zèle
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Nos racines et leur zèle
Coup dur pour le président orange, son propre ministre de la justice n’a pas constaté de fraude électorale pouvant changer le résultat de la présidentielle de novembre. Qu’à cela ne tienne ! Poursuivant sa vindicte à coups de tweets rageurs, on voit messire Trump évoquer désormais la possibilité d’être de nouveau candidat à la présidence de 2024… Et pendant qu’il éructe, Biden, lui recrute, dans une stratégie de représentation inclusive, des femmes et des personnes racisées. Les résultats du gars orange nous apprennent que de nombreuses femmes, et particulièrement des femmes hispano ou afro-américaines ont voté pour lui… Un constat étonnant quand on relit les quatre années d’un règne régit par la plus crasse des misogynies et le racisme inhérent au personnage : une vieille baderne riche, blanche cis, hétéro et autocentrée qui n’aime rien tant que mettre sa main dans la culotte des femmes, expulser les migrants, enfermer leurs enfants et piétiner les droits des personnes LGBT. Un racisme qui ne semble pas troubler ses partisans issus de l’immigration : ils se disent désormais américains et imaginent profiter de l’ascenseur social, ce miroir aux alouettes qui a toujours brouillé la vue des habitants du nouveau monde.
De ce côté-ci de l’Atlantique, l’ascenseur social est en souffrance depuis la fin des Trente Glorieuses et n’a jamais favorisé les femmes et les personnes racisées. Les immigrés des années soixante-dix et leurs descendants, bien que Français, sont toujours racisés. Et comme eux les migrants d’Afrique sub-saharienne, tous relégués dans les quartiers populaires, ces quartiers devenus de véritables laboratoires de la répression où les habitants sont aujourd’hui les premières victimes des violences policières. Le samedi 28 novembre, la proposition de loi sur la sécurité globale a mobilisé des milliers de personnes. Mais comme le souligne Miguel Shema (1) dans son Bondy blog « la voix de celles et ceux qui subissent le racisme des violences policières depuis des décennies, est encore trop absente des plateaux et médias mainstreams, ainsi que des discours de la gauche. » La vidéo du passage à tabac du producteur Michel Zecler, où on entend les policiers le traiter de « sale nègre », a évidemment fait office de catalyseur et rappelé à juste titre le racisme de la police. Mais le discours des médias sur cette loi inique reste globalement centré sur les journalistes. La Marche des Libertés n’est-elle qu’une marche pour la liberté de la presse ?
La loi sécurité globale arrive dans un contexte bien particulier dont on ne peut qu’interroger la pertinence puisqu’apparaît simultanément le projet de loi contre le « séparatisme ». Et comme le souligne Miguel Shema « qui est visé quand on parle de séparatisme si ce n’est les personnes racisées ? » Avant d’être la mort de la démocratie, certes très en péril sous le règne de notre gars orange à nous, c’est encore et toujours la mort des personnes non-blanches dont il est question. Il est temps d’ouvrir les yeux et de soutenir le discours antiraciste que bien des collectifs tentent de faire entendre.
Plutôt que gloser sur la « Mort de la Démocratie » les médias seraient bien avisés de pointer les atteintes à notre liberté d’exister avec nos identités sociales, sexuelles et ethniques. Le sociologue et philosophe Geoffroy de Lagasnerie (2) ne dit pas autre chose : « La société se réduit à ce qu’elle est, c’est-à-dire, un ensemble de processus de domination, d’exploitation, il n’y a rien au-delà. »
Pascale COMPTE 3 décembre 2020.
(1) Miguel Shema est journaliste chroniqueur chez France Culture et au Bondy Blog.
(2) Geoffroy de Lagasnerie est un philosophe et sociologue français, se revendiquant de la gauche radicale.