Premier regard sur les premières nécessités

mercredi 18 novembre 2020
par  Hervé Thomas
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Premier regard sur les premières nécessités

Parfois, on est dépassé par ses initiatives. Il suffit de dire un mot, c’est « essentiel » tout de même, et aussitôt surgissent des pépites. Vous avez ainsi généreusement répondu à mon appel à expression libre sur la notion de première nécessité, en m’offrant des cadeaux venant du cœur et de l’esprit, pas d’une plateforme.

Que faire de tout cela ? Lire bien sûr, et je me suis régalé, mais aussi analyser et prolonger. Et que vous livrer ? Un résumé, une sélection, une intégrale, des extraits, une synthèse ? Et de quel droit m’approprier ces textes ? Et bien tout simplement au nom de ce que j’ai annoncé : « me faire l’écho de vos suggestions en les présentant à ma guise  ». J’ai ainsi tissé ce texte à partir des vôtres au risque de ne pas en rendre toute la saveur.

Commençons par les entames, j’ai la guise méthodique. La plupart mettent en avant l’essentiel – l’essentiel pour moi est…, mon essentiel de la semaine, les essentiels – d’autres la nécessité - ce qui m’est nécessaire, j’ai grand besoin de…- et même un les deux en se demandant « c’est quoi la première nécessité, c’est quoi l’essentiel ? » Certains tentent même une définition : « l’essentiel c’est, pour moi, ce dont le manque m’est insupportable » ; « quand on a tout ce qui est indispensable (…) tout ce qui devrait être de l’ordre des droits fondamentaux pour tous, reste ce qui pour d’autres serait le superflu et qui est pourtant essentiel ».

Les façons de dire sont également très variées : liste d’activités inaccessibles, expression de l’émotion simple du manque des êtres aimés, fantaisie sur les huiles essentielles, manifeste « Nous essence de la société », anecdote du quotidien, réflexion et émotion mêlées, aspiration rêvée…il y a même une recette de gâteau à la crème de marron dont l’essentiel « est d’en partager la saveur avec d’autres, des amis et, pourquoi pas, avec des inconnus ».

Défilent alors dans vos réponses des envies de spectacles – deux places au cinéma, aller dans les festivals Jazz sous les pommiers ou les Reclusiennes – de déplacements – une balade en bus, une randonnée, un métro non bondé – de restaurant, de conférences (dans un lieu alternatif), de rencontres – « des réunions physiques, la bise à un max de copines », l’assurance qu’il y aura des fêtes de fin d’année, « garder le lien social entre autre avec mes collègues d’Attac et autres associations  », participer à l’université des mouvements sociaux - de retrouvailles familiales - « voir mes enfants quand je le désire et voir ma femme mer…alors qui travaille à 600 km de notre domicile » - et d’aspirations « qui touchent à l’essentiel de l’homme, y compris la femme » comme la tendresse et la solidarité. J’aimerais citer tout ce message et m’en tiendrais à Bourvil.

L’un de vous souhaite ne pas « répéter l’eau, le logement, les services publics auxquels nous pensons tous bien sûr » et préfère parler de « prendre le temps d’être clown, faire de chaque geste de sa vie quotidienne, un instant de jeu, de chant, de danse... ». Et un autre précise : « J’ai les moyens, me permettant de manger, boire, dormir, me soigner normalement ; ça devrait être le lot de tout le monde. Au-delà, ma conception du « nécessaire », ma vision de « l’essentiel », ma perception du « au moins ça.. » varient selon le jour ou la nuit, selon que le soleil brille ou que la grisaille m’envahit ; selon mon humeur aussi ». Derrière l’expression de la nécessité, il y a toujours un sujet qui parle.

Bien sûr, plusieurs d’entre vous parlent produits de première nécessité mais de façon décalée. Certes, il y a « un grand étal de livres » et « des huiles essentielles qui soignent nos maux du dedans ou du dehors ». Mais je retiendrai pour ma part le bruit du percolateur du café du coin : « On est comme dans une autre dimension et le temps est un autre temps, celui du dedans qui nous enveloppe comme dans un cocon, alors qu’on peut apercevoir comme dans un songe le temps du dehors (…) C’est bien cela l’essentiel d’une journée marseillaise ». Dedans, dehors c’est bien la question du moment.

Enfin, il y a eu l’envoi d’une vidéo accompagnée d’un communiqué. J’aurais pu me contenter de cela, tant j’ai été saisi et ému. Il s’agit d’une action conduite au cimetière St Pierre ce 10 novembre. Des femmes et des hommes en noir et en silence, recueillis devant une tombe puis couchés au sol avec une feuille sur le ventre, puis avançant cérémonieusement pour se réunir en cercle et brandir le poing de la révolte et le doigt de l’honneur. Ils portent de simples messages de présentation : je suis coiffeur « non essentiel », je suis artiste-peintre « non essentiel », je suis régisseur son « non essentiel » et ainsi de suite… chanteuse, formateur, costumière, régisseur lumière, maitre-nageur, fleuriste, musicien, tous « non essentiels » puisqu’ils sont mis dans l’impossibilité de pratiquer leur métier.

Alors, continuez à envoyer vos mots, vos idées, vos impressions à accueil.marseille@attac.org. Continuez à raconter ce qui compte vraiment à vos yeux dans cette période singulière, ce dont vous peinez à vous priver, ce qui vous semble nécessaire à tous et à chacun. Et l’on enrichira ainsi ce catalogue du nécessaire, cette liste de nos essentiels.

José Rose.


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