Le Semestre Européen
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Le semestre européen : sous cette terminologie énigmatique chère à la commission européenne, se cachent en réalité les dispositifs technocratiques contraignants par lesquels l’Union européenne dissout progressivement la souveraineté des États membres en plaçant les parlements nationaux sous un contrôle budgétaire à priori.
Le « semestre européen » ou la coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l’UE
A la suite de la crise financière de 2007, le Conseil européen décide la mise en place du semestre européen en 2010 afin de renforcer la gouvernance économique de l’Union.
Il s’agit d’organiser, au cours du premier trimestre de chaque année civile, un cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres autour de trois axes : les réformes structurelles, les politiques budgétaires et la prévention des déséquilibres macroéconomiques excessifs.
Ce processus, institué par plusieurs règlements et directives (cf.annexe), se donne les objectifs suivants :
– contribuer à garantir la convergence et la stabilité dans l’UE ;
– contribuer à garantir la solidité des finances publiques ;
– favoriser la croissance économique ;
– prévenir les déséquilibres macroéconomiques excessifs dans l’UE ;
mettre en œuvre la stratégie Europe 2020.
Il se déroule selon un calendrier précis.
Phase préparatoire : Analyse de la situation et suivi de l’exercice précédent
Novembre à décembre
La Commission publie l’examen annuel de la croissance qui présente le point de vue de la Commission quant aux priorités d’action de l’UE pour l’année suivante.
Le rapport sur le mécanisme d’alerte fait le point sur l’évolution de la situation macroéconomique dans les différents États membres de l’UE à partir d’un tableau de bord . Pour les pays où le risque de déséquilibres macroéconomiques est considéré comme élevé, un bilan approfondi est réalisé, accompagné éventuellement de recommandations formulées par la Commission.
Indicateurs prévus dans le tableau de bord :
Un « système d’alerte » pour prévenir des déséquilibres potentiels de chaque État se fonde sur des tableaux de bord tenus en continu par la commission, rassemblant des indicateurs macroéconomiques, et portant notamment sur les points suivants.
Le commerce extérieur (Balance des opérations courantes et parts de marché )
Les investissements étrangers
L’évolution des coûts salariaux
L’endettement du secteur privé
Les flux de crédit dans le secteur privé
L’endettement du secteur public
Le taux de chômage
(Sources : Commission européenne http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-11-898_fr.htm)
La commission publie également le projet de recommandations concernant la politique économique de la zone euro qui a pour but de de parvenir à une meilleure intégration des considérations nationales et de celles de la zone euro dans le cadre de la gouvernance économique de l’UE.
Phase 2 : Le semestre européen
Janvier et février
Le Conseil de l’UE et le Parlement débattent de l’examen annuel de la croissance, formulent des orientations stratégiques générales et adoptent des conclusions.
Chaque État membre peut également être invité à présenter ses observations
Mars
La Commission publie des rapports par Pays ainsi que les bilans approfondis relatifs aux déséquilibres macroéconomiques établis pour les États membres où le risque de déséquilibres a été jugé élevé.
Sur la base de ces bilans, la Commission peut rédiger des projets de recommandations à l’intention des États membres concernés afin qu’ils corrigent les déséquilibres identifiés.
Le Conseil européen formule des orientations politiques sur la base de l’examen annuel de la croissance et de l’analyse et des conclusions du Conseil de l’UE.
Les États membres élaborent leurs programmes nationaux de stabilité (zone euro) ou de convergence (hors zone euro) et leurs programmes nationaux de réforme.
Avril
Les États membres soumettent leurs programmes de stabilité ou de convergence qui exposent leur stratégie budgétaire à moyen terme, ainsi que leurs programmes nationaux de réforme, l’accent étant mis sur la promotion de la croissance et de l’emploi.
Eurostat publie les statistiques vérifiées relatives à la dette et au déficit de l’année précédente, un élément important pour vérifier que les États membres respectent bien leurs objectifs budgétaires.
Mai
La Commission européenne évalue les programmes d’action nationaux et présente un projet de recommandations par pays.
Juin/Juillet
Le Conseil européen entérine les recommandations par pays, qui sont ensuite débattues au sein du Conseil par les ministres de l’UE avant d’être finalement adoptées en juillet par les ministres des finances de l’UE.
Phase 3 Le « semestre national »
Au cours des six derniers mois de l’année, lors du " semestre national", les États membres élaborent leurs budgets nationaux pour l’année suivante en tenant compte des recommandations qui leur ont été notifiées.
Octobre : les États membres de la zone euro remettent à la Commission (au plus tard le 15 octobre) leur projet de plan budgétaire pour l’année suivante. Si la Commission estime qu’un plan n’est pas conforme à l’objectif à moyen terme de l’État membre, elle peut demander qu’il soit modifié. »
Novembre : La Commission rend un avis sur les différents projets de plans budgétaires (pour tous les pays de la zone euro) et sur les programmes de partenariat économique (pour les pays de la zone euro présentant un déficit budgétaire excessif). Les plans budgétaires sont aussi débattus par les ministres des finances de la zone euro.
Décembre : les États membres de la zone euro adoptent leur budget annuel définitif, en tenant compte de l’avis de la Commission et des ministres des finances.
La procédure pour déficit excessif et les sanctions correspondantes : En cas d’« écarts importants », et lorsque la situation n’a pas été redressée, conformément aux observations de la commission et du Conseil, une procédure pour déficit excessif (PDE) telle que prévue par le « six pack » est lancée, pouvant aboutir à des sanctions financières.
Lorsqu’un État propose un budget en déficit effectif excessif de plus de 3%, la Commission soumet systématiquement des propositions ou des recommandations pour y remédier.Tout État membre dont le taux d’endettement dépasse 60 % du PIB fera l’objet d’une Procédure de déficit excessif, même si son déficit est inférieur à 3 %, s’il ne réduit pas d’un vingtième par an (sur une moyenne de trois ans) l’écart entre son taux d’endettement et la valeur de référence de 60 %.
La "règle d’or", fixant initialement à 1% maximum le déficit budgétaire (Conseil européen d’Amsterdam en 1997) fait désormais référence au déficit structurel, corrigé des variations conjoncturelles, qui ne devra pas excéder 0,5%, hors élément exceptionnel et intérêt de la dette.
Les États membres qui font actuellement l’objet d’une PDE doivent se conformer aux recommandations spécifiques que le Conseil leur a adressées afin qu’ils corrigent leur déficit excessif. Dans le cas où un État membre de la zone euro manquerait à ses obligations, le Conseil pourrait lui imposer une sanction financière sur recommandation de la Commission, sauf si une majorité qualifiée d’États membres s’y oppose.
Le « six pack » introduit une approche graduelle en trois étapes en termes de sanctions, commençant par un dépôt portant intérêt de 0,2 % du PIB dans la phase préventive, suivi d’un dépôt sans intérêt et enfin, dans la phase corrective, concluant à une amende.
A titre d’exemple, le projet de budget 2019 de l’Italie a été rejeté par la Commission européenne en novembre 2018 au motif qu’il ne respectait pas les règles de l’UE. Afin d’éviter une procédure pour déficit excessif, l’Italie a ramené le déficit du PIB à 2,04 % contre 2,4 % au mois d’octobre, et réduit ses prévisions de croissance de 1,5 % à 1 %.
Commentaires : Le cycle annuel de coordination et de gouvernance des politiques économiques et budgétaires mis en place par l’UE depuis 2010, et progressivement renforcé, place les parlements nationaux, en matière budgétaire, sous la surveillance à priori de la Commission européenne et du Conseil.
Par ces dispositifs technocratiques contraignants, et fondés sur une doctrine économique ne faisant pas l’unanimité, l’Union européenne dissout progressivement la souveraineté des Etats membres.
Fidèle à la « méthode » Jean Monnet l’Union européenne poursuit sans relâche une intégration technique, alors que l’hypothétique intégration politique marque le pas, avec pour conséquences les risques évoqués par Pierre Mendès France :"L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement "une politique", au sens le plus large du mot, nationale et internationale."(Pierre Mendès France - 1907-1982 - Discours à l’Assemblée nationale, 17 janvier 1957)
A titre d’illustration :
RECOMMANDATION DU CONSEIL concernant le programme national de réforme de la France pour 2019 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2019
RECOMMANDE que la France s’attache, en 2019 et 2020:1.à veiller à ce que le taux de croissance nominale des dépenses primaires nettes ne dépasse pas 1,2 % en 2020, ce qui correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6 % du PIB ; à utiliser les recettes exceptionnelles pour accélérer la réduction du ratio de la dette publique ; à réduire les dépenses et à réaliser des gains d’efficacité dans tous les sous-secteurs des administrations publiques, notamment en précisant pleinement les mesures concrètes nécessaires dans le contexte du programme Action publique 2022 et en surveillant étroitement la mise en œuvre de ces mesures ; à réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite, en vue de renforcer l’équité et la soutenabilité de ces régimes ;
2.à favoriser l’intégration de tous les demandeurs d’emploi sur le marché du travail, à garantir l’égalité des chances, en mettant particulièrement l’accent sur les groupes vulnérables, notamment les personnes issues de l’immigration, et à remédier aux pénuries et aux inadéquations de compétences ;
3.à axer la politique économique en matière d’investissements sur la recherche et l’innovation (tout en améliorant l’efficacité des dispositifs d’aide publique, dont les systèmes de transfert de connaissances), sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les interconnexions avec le reste de l’Union, ainsi que sur l’infrastructure numérique, en tenant compte des disparités territoriales ;
4.à poursuivre la simplification du système d’imposition, notamment en limitant le recours aux dépenses fiscales, en continuant de supprimer les impôts inefficaces et en réduisant les impôts sur la production ; à réduire les restrictions réglementaires, notamment dans le secteur des services, et à mettre pleinement en œuvre les mesures visant à stimuler la croissance des entreprises.
Sources :https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52019DC0510&qid=1566377041744
ANNEXE
Bases juridiques :« Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 121 paragraphe 2 et suivants et article 148, paragraphe 4 ;
.- Conclusions du Conseil européen du 10 juin 2010 – Une nouvelle stratégie européenne pour l’emploi et la croissance,
Pacte de Stabilité et de Croissance (adopté au Conseil européen d’Amsterdam le 17 juin 1997), introduit en même temps que la monnaie unique afin de s’assurer de finances publiques saines dans l’UE,
(…)Le Pacte de Stabilité et de Croissance a été renforcé par :
Le "Six Pack", un ensemble de six nouvelles lois adoptées en 2011 établissant les règles de gouvernance économique de l’UE ,
Le pacte budgétaire européen [mis en application en 2013] qui fait partie d’un traité intergouvernemental, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), est un mécanisme sur lequel se sont accordés 25 des 28 États membres de l’Union européenne sur la convergence de leur union économique et monétaire. (La Croatie, le Royaume Uni et la République Tchèque ne sont pas parties prenantes).
Le "Two Pack", qui contient deux règlements européens adoptés en 2013, introduit de nouveaux instruments de suivi, renforce l’adhésion au pacte de stabilité et de croissance. Le « code de conduite » (révisé en dernier lieu en novembre 2014) contient de plus amples détails sur l’application des dispositions du two-pac.
(D’après : Représentation en France de la Commission européenne https://ec.europa.eu/france/news/focus/semestre_europeen_gouvernance_economique_fr)