Hommage à Ahlem Belhadj, féministe et syndicaliste tunisienne
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Vous trouverez ci-dessous, le texte de la Commission Genre nationale d’ATTAC France :
Nous avons appris avec beaucoup de peine le décès d’Ahlem Belhadj, survenu le 11 mars 2023, dans une période de tension en Tunisie. (Les droits fondamentaux et les droits des femmes en particulier sont menacés dans ce contexte politique difficile.) Figure du mouvement social tunisien, militante féministe et internationaliste Ahlem a contribué au combat pour la démocratie sous la dictature, malgré la lourde répression qui pesait sur les militant.es et qui l’a touchée elle et sa famille.
Son engagement commence dès 1982, le pays étant à l’époque dirigé de façon autoritaire par Habib Bourguiba, Ahlem, étudiante à la faculté de médecine de Tunis. Elle participe dès le 8 mars 1983 à un événement organisé par des féministes tunisiennes et rejoint vite les rangs du syndicalisme étudiant. En 1989, Ahlem rejoint l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et relance la « commission femmes » au sein de la centrale syndicale. Son engagement se prolonge sous la dictature de Ben Ali. Devenue pédopsychiatre elle s’implique notamment au sein du syndicat des médecins hospitaliers. Engagée pour la défense du droit à l’avortement, elle défend l’accès à un service de santé de qualité pour toutes et tous.
Féministe très déterminée, elle rejoint également dans les années 1990 l’association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Celle-ci joue un rôle important dans la résistance sous la dictature. Ahlem, présidente de l’association à deux reprises, défendait un « féminisme transversal, qui traverse toutes les luttes ».
Ses multiples engagements pour la démocratie, la justice sociale et pour les droits des femmes se poursuivent jusqu’à la Révolution de 2011 qui a fait « dégager » le dictateur Ben Ali. Militante féministe, syndicale, impliquée au sein de la LTDH, elle a contribué à la création du Raid Attac, mouvement altermondialiste tunisien. Ahlem a ainsi joué un rôle important pour renforcer les forces de gauche en Tunisie, tout en ayant à cœur l’articulation avec les mouvements au niveau international. Elle a ainsi largement contribué à l’organisation du forum social mondial (FSM) qui s’est tenu en Tunisie en 2013 et 2015 et parmi celles qui y ont imposé la « dynamique femmes » comme un axe fort.
Dans les années qui ont suivi la Révolution, alors que de nombreux conflits sociaux explosaient dans le secteur privé, Ahlem a notamment été un appui lors de la lutte des travailleuses de Latelec. Celles-ci ont entamé un mouvement et une grève d’importance pour contester leurs mauvaises conditions de travail et exiger le respect de leur dignité. Pour ces travailleuses de la filiale tunisienne de l’entreprise française Latécoère, il était important de trouver des soutiens dans les deux pays. Ainsi, le comité de soutien aux travailleuses de Latelec a été mis en place, associant organisations en Tunisie et en France. Sous l’impulsion de militant.es de la commission genre d’Attac et de Solidaires, cela a permis en France de rassembler de nombreux soutiens auprès des féministes et des organisations de solidarité internationale. Plus récemment, Ahlem Belhadj a contribué au livre d’Attac “Un monde en lutte”, où elle revient sur le rôle des féministes dans la lutte contre les violences -y compris politiques- sous la dictature en Tunisie, ainsi que sur des perspectives actuelles et enjeux pour les droits des femmes au niveau international.
La commission genre d’Attac salue la combativité de cette militante remarquable, très active malgré sa longue maladie. Son combat continue.